Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Monday, October 10, 2011

Ma campagne électorale : spot 4

Au vu des développements précédents, la future constitution devra énoncer les principes d'un état de droit fondé sur les valeurs d'indépendance, de souveraineté du peuple, d'humanisme, de liberté, d'équité et d'égalité pour tous en droits et en devoirs sans distinction de sexe, de race, de couleur, d'origine, de religion ou de classe, garantissant les libertés fondamentales et les droits humains de base.
Quant à l'appartenance et aux alliances de l'état, elles devraient se définir primordialement sinon exclusivement en fonction de l'adhésion aux valeurs et principes énoncés plus hauts. Certes, il peut être utile, voire même nécessaire, de rechercher pour cet état des repères et des dimensions d'ancrage dans son histoire et sa géographie, à condition que cela se fasse loin de toute vision sectaire ou exclusive en faisant prévaloir le caractère pluriel de cet ancrage et en privilégiant surtout les valeurs et principes universels supérieurs énoncés précédemment, à savoir ceux de souveraineeté, d'indépendance, de justice, d'équité et de liberté. Il ne peut dès lors être question de réduire notre histoire à une époque déterminée, à une donnée ou à un fait historique, aussi marquant soit-il. Ainsi, notre appartenance à une culture et à un espace arabo-musulmans ne devrait pas occulter nos racines berbères et phéniciennes. S'il faut faire ressortir une identité collective, cette identité ne peut en aucun être unidimensionnelle. Se contenter de dire que la Tunisie ou son peuple est arabe et/ou musulman seulement serait un choix réducteur autant anhistorique que dangereux. Pour mieux illustrer le caractère erroné et réducteur d'un tel choix, ce serait comme si on proclamait dans un pays comme le Mexique ou le Pérou une identité exclusivement ibéro-chrétienne, envoyant aux oubliettes aztèques, incas et autres indiens  ! De même serait-il mal venu et en  tout cas illusoire de s'accrocher à tout prix à une quelconque communauté de proximité géographique (maghrébine, arabe ou méditerranéenne). La recherche d'espaces d'intégration économique au premier chef et même culturelle n'est pas seulement souhaitable ; elle est peut-être même inéluctable dans le monde d'aujourd'hui, à condition qu'elle procède d'une approche rationnelle, utilitaire et lucide et qu'elle ne se fasse pas sous un couvert voire même à des fins idéologiques.
L'état tunisien souhaité ne devrait envisager alliances et partenariats qu'avec des états semblables. Si de tels états sont voisins, s'ils sont maghrébins, arabes ou même méditerranéens, c'est encore mieux. Mais on n'a que faire d'un quelconque lien ou projet stratégique avec un Kadhafi, un Assad, un quelconque émir ou cheikh ou encore un Sarkozy, Berlusconi ou Netanyahu avec qui l'on aurait en commun le fait de faire partie du "Grand Maghreb", de la "nation arabe".ou de "l'espace méditerranéen". D'ailleurs, rien que pour cet exemple-là, on sait ce qu'il en est advenu de la nation arabe composée d'états gouvernés par des membres du plus incroyable des zoos humains...
J'imagine aisément que ce genre de discours risque de réduire considérablement mes chances de succès aux élections. Heureusement que je ne suis pas candidat et que je n'ai donc rien à perdre. Je l'aurais été, cela n'aurait rien changé. Mais la question ne se pose même pas. Elles vont devenir nulles lorsque j'aurai abordé mon dernier point dans ce chapitre, à savoir la question de la religion de l'état ou plutôt celle de savoir s'il faut déclarer que l'état tunisien est un état musulman ou qu'il a l'islam pour religion (au fait, le fait de craindre seulement une perte hypothétique des élections pourrait s'avérer excessivement optimiste et une marque d'inconscience pure de ma part). Je m'étais déjà exprimé à deux reprises sur cette question (ici et ici)  bien avant la campagne électorale. Inutile de reprendre la position exposée et les arguments développés pour l'étayer. Je n'ai pas changé d'avis entre temps et je ne risque pas de le faire. Je me contenterai d'ajouter une ou deux remarques.
Elle est touchante l'unanimité avec laquelle la quasi-totalité des partis se pressent à qui mieux mieux pour affirmer, défendre, renforcer "l'identité arabo-musulmane" de la Tunisie et consacrer le fameux énoncé qui en fait "un état ayant l'arabe pour langue et l'islam pour religion" ! Pourtant, qui par le bout des lèvres, qui du fond du cœur, ils disent tous tenir aux libertés fondamentales, y compris celle de conscience et de croyance. Comment les ressortissants d'un état quel qu'il soit peuvent-ils prétendre à la liberté de la croyance et de la conscience s'il est affirmé par ailleurs que cet état a une religion officielle et que cette religion est inscrite dans sa constitution ?! Et d'abord, depuis quand l'adhésion à une religion qui est censée être ce qu'on appelle "une profession de foi", c'est à dire un acte individuel volontaire, est-elle devenue un acte de loi (fondamentale) et un choix institutionnel ? Les croyants de toute religion, peu importe laquelle, même quand ils sont pris collectivement en tant que communauté, ont toujours été pris dans le discours religieux même, à commencer par les textes dits révélés, comme des individus ou des groupes d'individus, donc des humains, des "personnes physiques" dans l'acception juridique du terme, jamais comme une entité abstraite, symbolique, institutionnelle ou un ensemble d'institutions, une "personne morale". Tout musulman est tenu d'intérioriser un ensemble de croyances, d'accomplir un certain nombre de rites cultuels et de suivre fidèlement une série de préceptes fait d'injonctions, de prescriptions et d'interdits. Comment un état peut-il le faire et, s'il le fait, au nom de qui ? De l'ensemble de ses citoyens ? On sait très bien que les musulmans de conscience, de fait ou de naissance forment, certes, la grande majorité des tunisiens. Les adeptes d'autres confessions ou ceux qui n'en ont aucune ne sont qu'une petite minorité, peut-ête même toute petite (il faudrait faire un recensement sérieux pour savoir de manière précise), mais ils existent bien ou non ? Quel sort leur réserve-t-on ? Faudra-t-il qu'ils aillent chercher une autre patrie ailleurs ? Va-ton en faire des demi-citoyens ou des citoyens de deuxième catégorie, des dhimmis, des gens du Livre, voire des mécréants qu'il faut tuer ou chasser ? On pourra arguer qu'un article disait la même chose dans la constitution qui nous a gouvernés depuis 1959 et que rien de tel ne s'est produit jusqu'ici. Oui, mais les temps changent. Aujourd'hui, on a tout un kaléidoscope de partis et mouvements qui se réclament de l'islam comme principe de gouvernement et programme politique et il est tout à fait possible, pour dire le moins, qu'ils accèdent au pouvoir séparément ou unis. Qui pourra les empêcher de donner à cette affirmation tout innocente sa vraie portée pratique ? Quels arguments compte-t-on invoquer pour refuser de faire de la charia qui est le corps des lois d'essence islamique dans la lettre ou l'esprit directement tirées du texte coranique, de la vulgate constituée des traditions du prophète ou, au moins, des théorisations des jurisconsultes ou faqihs, qadhis et imams élevés à un rang comparable à celui des membres supérieurs du clergé dans la religion chrétienne et considérés comme étant à la fois privilégiés, autorisés et quasi-infaillibles la source dont nos lois seront désormais inspirées voire même d'en faire une simple transposition ? Quoi de plus naturel et de plus logique qu'un état ayant l'islam pour religion soit informé par les fondements du dogme de ce dernier et gouverné suivant ses préceptes !...
Belle sera la déconvenue de ces fins stratèges et autres tacticiens de la classe politique tunisienne de l'après-14 janvier qui croient couper l'herbe sous les pieds de M. R. Ghannouchi et ses amis ou détourner d'eux leurs foudres en chantant à l'unisson l'hymne de l'article 1 ! Je paierais cher pour voir leurs têtes, mais je je ne donnerai pas cher de ces mêmes têtes !

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