Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Thursday, March 15, 2012

Hommage posthume,
Hédi Guella nous a quittés

Non, ce n'est pas une rétractation. Pas si vite ! D'ailleurs, l'épithète dans le titre a une double significations. Il s'agit seulement d'accompagner le départ d'un ami et d'un artiste, un personnage de salut public. Un dernier devoir d'amitié et de citoyenneté contre l'indifférence et l'oubli.
 J'aurais voulu avoir le don qu'il fallait pour lui offrir une élégie comme celle-ci qu'il composa à la mémoire du poète et chanteur populair Jdira

Hédi Guella, chanteur, compositeur et parolier tunisien s'est éteint hier après avoir lutté bravement contre un cancer des poumons pendant une année. Hédi n'était certes pas une personne exemplaire. Qui d'entre nous peut prétendre l'être ? Mais il était un vrai artiste. Un authentique génie de création et de sensibilité comme il y en a eu rarement sur cette terre, notamment au cours des dernières décennies. Pendant près de vingt ans, il était devenu la voix de la dissidence en exil. C'est à cette époque, vers la fin des années soixante-dix, que je l'ai d'abord connu à travers sa musique, à peu près en même temps que je découvrais Cheikh Imam. J'étais encore étudiant. Si pour les prêtres de la révolution qui n'allait jamais se faire, tout l'intérêt résidait dans les textes de Mahmûd Darwîsh, Tawfiq Ziyâd et Mûldi Zalîla que Hédi chantait, la musique n'étant "qu'un support" (véhicule aurait certainement mieux servi leur intention) pour la bonne parole révolutionnaire, ce qui retenait mon attention chez-lui comme chez son compère égyptien et qui en faisait de vrais artistes à mes yeux, à la différence de tant d'autres travailleurs/combattants de la chanson "engagée" par ailleurs respectables, c'était la qualité de la musique même et du chant qui élevait ses chansons (comme celles d'Imam) au rang d'une véritable création artistique et cette créativité, ce souffle authentique, qui les inscrivait dans une tradition musicale au génie bien enraciné, même si elle était déjà en perdition.
Lorsque le gouvernement Mzali arriva dans le sillage des événements de Gafsa avec sa "politique d'ouverture" qui annonçait monts et merveilles mais qui allait vite tourner court avec la mascarade des élections de 1981, le seul fait à retenir, à part un retour contrôlé et sous haute surveillance à la légitimité syndicale après la relaxe des membres de la direction incarcérés en 1978 et le bref foisonnement de quelques titres d'une presse indépendante, était l'organisation au cours de l'été 1980 d'une série de concerts publics de Cheikh Imam et de Hédi Guella qui avait enfin pu rentrer au pays sans être inquiété. A l'époque, j'étais encore étudiant et je vivais à Sousse. Si le cheikh était bien venu se produire à Sousse, le concert le plus proche de Hédi avait lieu à Monastir. Or, si le déplacement ne posait aucun problème à l'aller, le retour était bien plus problématique car il n'y avait plus le moindre moyen de transport entre les deux villes à partir d'une certaine heure. Je m'y suis rendu en compagnie d'un ami totalement aveugle et nous avons décidé de rentrer à pieds (nous avons finalement été ramassés par un routier de la nuit à mi-distance). Cet été-là, Hédi avait produit ses meilleures prestations en public. L'accompagnement de deux musiciens talentueux, un violoniste iranien, Mahmûd Tabrîzî Zâdeh (lui-même décédé il y a plusieurs années) et d'un cithariste arménien, Andon Aram Kerovpian (que j'ai eu le plaisir de rencontrer il y a quelques années à Paris) avait conféré une tout autre dimension à sa musique et en avait révélé la beauté et le génie.

Hédi chantant 'abu-l-qâsim Ash-shâbbi lors de l'un des concerts de 1980

Durant l'entracte de ce fameux concert de Monastir, Hédi présenta au public venu pour lui un jeune musicien tunisien inconnu qu'il disait prometteur, un certain Anouar Brahem. Sa performance était bien pâle à côté de celle de son hôte. Le cithariste me dira en 2007 : "Oui, je me souviens de lui. Il faisait quelque chose avec le luthe, mais on ne compranait pas trop quoi"...  Aujourd'hui, le musicien en question est devenu un grand nom de Tunisie, de France et de Navarre, alors que Hédi nous a quitté dans l'indifférence quasi-générale. Hédi avait beaucoup de talent, mais si peu d'entregent !
Dix ans plus tard, je rencontrai Hédi dans le cadre professionnel (il travaillait comme traducteur-interprète comme moi) et pus enfin faire sa connaissance. Très vite on sympathisa et notre passion commune pour la bonne musique arabe, lui en tant que créateur, moi, simple consommateur, nous unit dans une amitié qui ne devait plus se défaire en dépit de quelques désaccords et de moments d'absence parfois assez longs, inévitables entre un artiste pur au talent immense, à l'esprit vagabond et à l'âme réfractaire aux moules de la bienséance et un esprit carré sans génie et sans oxygène voué au culte du bien être et du bien faire. Mon départ à l'étranger n'allait pas arranger les choses. Je l'ai pourtant retrouvé de temps en temps et l'on a passé encore quelques moments tantôt de folie tantôt de sereine compagnie, en 2006 à Madrid, en 2009 à Genève et en 2010 à Sousse. A chaque fois, comme au bon vieux temps, je ne manquais jamais de lui seriner les préceptes de ma rationalité bien pensante entremêlée de réprimandes et de doctes conseils, entêté dans ma conviction qu'il méritait mieux de lui-même et des autres et qu'il avait fait un beau gâchis d'autant de talent.
Si la dernière des maladies qui a fini par l'emporter n'a mis qu'une année à venir à bout de sa résistance, la maladie l'a empoigné pour ne plus le lâcher tout à fait tout au long de la dernière décennie. Depuis, sa vie n'a été qu'une succession d'accalmies et de rechutes. Mais la dernière année aura été exceptionnellement dure à supporter pour lui et pour les siens, pas tellement à cause des affres de la vilaine maladie que tout un chacun connaît désormais, qui de sa propre expérience, qui à travers celle d'un être cher, mais surtout parce qu'elle a en plus décidé de le priver de sa voix, lui le chanteur et l'interprète de conférence ! Pourtant, il gardait toujours le moral. Même au plus fort de son cancer (je n'ai pas pu le rencontrer au cours des derniers dix-huit mois, mais on a gardé le contact, par téléphone et par courriel), il avait foi en la science et en la compétence de ses médecins. Il était sûr de sa guérison (au moins, il le donnait à croire) et parlait d'avenir. Ne faisait-il que donner le change ? Plus personne ne le saura. Aujourd'hui, il nous a quittés sans prendre congé, fidèle à son habitude. Peut-être est-ce mieux ainsi si plus d'années de vie n'allaient être qu'une prolongation du calvaire qu'il a enduré depuis le printemps dernier.
Même si je ne suis pas au courant des détails, je crois savoir que les autorités de la transition n'ont pas manqué de l'aider durant sa maladie. Néanmoins, je suis presque sûr que le soutien dont il a pu bénéficier, il le doit plus à ses relations personnelles (il connaissait tellement de monde dont des personnalités de notoriété publique en dehors de nos frontières et des compatriotes qui sont parfois devenus des personnages haut placés) qu'au fruit d'une volonté politique et d'un choix non personnalisé.
Son répertoire musical quantitativement non négligeable et dont la qualité artistique est certaine n'a jamais fait l'objet de beaucoup d'attention de la part de quiconque à commencer par lui-même. Il fut très peu publié (les seules publications dont je sois au courant sont le disque comportant une demi douzaine de chansons enregistrées en France au milieu des années 70 et deux cassettes parues au début des années 80 sous un label éphémère et qui reprenaient les principaux titres qu'il a chantés lors de sa tournée au cours de l'été 1980). Aujourd'hui qu'il n'est plus de ce monde, la moindre ds choses qu'on puisse faire pour honorer sa mémoire et lui témoigner notre fidélité, à part celle d'apporter l'aide qu'on peut à sa famille, serait de veiller à rassembler sa production, aujourd'hui éparpillée entre les membres de sa famille et ses amis, et de la publier.

Cette chanson dont il est l'auteur compositeur interprète aurait pu servir de signe de ralliement aux jeunes qui ont fait l'événement de 2011 et qui rêvaient et rêvent peut-être encore d'une Tunisie meilleure

Adieu ami ! Chaque fois que je lèverai un verre ou que j'écouterai un bon morceau, je penserai à toi, jusqu'à ce que vienne mon tour pour quitter ce monde.

Composée sur un texte de Mahmûd Darwîsh dédié à sa sœur, cette chanson est probablement sa composition la plus accomplie qui révèle l'étendue de son talent compositionnel et de sa culture musicale comme elle laisse deviner certaines de ses sources d'inspiration, notamment la musique de Sunbâti (s'il avait été encore là, il aurait insisté pour que j'ajoute "et Zakariyâ")

Wednesday, March 7, 2012

Un mot, une fin

S'il est vrai que, comme j'ai pu parfois le laisser entendre et que tout lecteur attentif de ce blog n'aura pas manqué de le comprendre, je suis de nature à me méfier des articles définis en général, il est des contextes où, au delà de cette simple méfiance, je répugne totalement à les utiliser et celui-ci en est un. Néanmoins, je crains que cette aventure "blogosphérique" ne soit arrivée à son terme. Lancé une heure ou deux après le fameux discours de Ben Ali dans la soirée du 13 janvier 2011 (j'avais juste pris le temps de voir l'émission concoctée à la hâte par Sami El-fehri) et quelques heures seulement avant sa fuite, ce blog est né d'un coup de tête et était d'abord conçu comme un coup de gueule après cinquante ans de silence et de vie tranquille d'un citoyen totalement rangé ou presque (en tout cas qui n'a jamais pris le parti de s'opposer publiquement au régime en place en actes ou en paroles, alors qu'il avait toutes les raisons éthiques et philosophiques de le faire). A ce moment-là, je n'étais même pas sûr de la chute de Ben Ali, sans parler du fait que telle chute pût être si imminente. J'avais seulement compris que, pour la première fois depuis 33 ans (en novembre 77-janvier 78, j'avais à peine vingt ans), j'étais en train d'assister à un soulèvement populaire général, et qu'à la différence des précédents, celui-là était en train d'ébranler les bases du régime en place et d'affoler ses tenants. Les expériences passées incitaient à modérer les attentes et à donner cher de la peau de ces requins. Mais une opportunité historique s'offrait pour voir autre chose et les gens étaient en train de payer le prix fort pour en faire une réalité. D'où mon choix de rompre le silence et de prendre cette part que je savais trop modeste à ce qui se passait. Mon action était condamnée à être limitée dans sa teneur et sa portée comme je n'ai pas manqué de le souligner de prime abord. Il s'agissait d'abord de m'exprimer, en témoin attentif et concerné mais distant, sur ce qui se passait. Or, témoigner n'est pas participer. D'ailleurs, comment peut-on participer quand on est ailleurs ? Même s'il fallait s'en tenir au facteur spatial, la distance était une raison suffisante pour rendre une implication directe impossible. Il y a bien des gens que cet éloignement n'a pas empêché de prendre une part (réellement ou conçue par eux-mêmes comme) plus active aux évènements. Il y en a même qui sont devenus des acteurs directs, parfois même principaux, rien qu'en s'exprimant, faisant étalage de leurs états d'âme, de leur pseudo-savoir et leur pseudo-engagement politique, même s'il est vrai que le seul fait de s'exprimer ne suffit pas s'il n'est pas au moins accompagné de quelques ficelles qu'on tire judicieusement... Mais ce n'était point mon cas. Même si mes écrits sont éminemment politiques, ils n'étaient jamais conçus comme une forme d'action politique. A aucun moment n'a-t-il été question que je propose une alternative politique ou que je m'inscrive dans une déjà existante. Individualiste à l'extrême, de nature profondément sceptique, rebelle à tout modèle de pensée ou d'action préconçue, hostile aux compromis et autres arrangements tactiques ainsi qu'à la loi du nombre, mes handicaps sont trop nombreux pour que je puisse envisager un jour une quelconque carrière politique. Ensuite, le choix du support (je ne suis même pas membre ni de facebook ni de twitter), du mode d'écriture et de la langue, tous des choix parfaitement conscients et assumés, condamnait ces écrits à n'avoir qu'une diffusion très limitée, presque confinée au seul cercle des amis et des connaissances et de quelques curieux qui pouvaient y être amenés par ces derniers ou par le simple hasard....
C'est dans ce même cadre que s'inscrit ma décision de mettre un terme à cette démarche.
Cette décision procède de deux constatations et d'une préoccupation. La première constatation est qu'en dépit des larges attentes suscitées par les évènements de l'hiver 2011 et de l'espoir d'une vraie dynamique de changement et de mutations profondes au sein de la société qui touchent les modes de penser et d'agir et qui aillent bien au-delà d'un changement de façade se limitant au seul régime politique voire même aux noms qui peuplent ce régime, c'est à peine si l'on a vu quelques balbutiements dans ce sens telles ses manifestations de responsabilité et d'implication civiques et ces élans de solidzarité et d'entraide qui ont caractérisé les premières semaines ou tout au plus les premiers mois. A part ces ébauches d'initiatives et de mouvements collectifs demeurés timides et somme toute ponctuels, l'on n'a pas vu éclore les cent fleurs de la révolution en tant qu'éveil des esprits, dessillement des yeux, déliement des langues, dépêtrement des moules tout faits qui déterminent la façon d'agir et de penser des gens. Il n'est d'ailleurs qu'à constater la maigreur symptomatique de la moisson culturelle, artistique et intellectuelle de cette révolution pour voir à quel point elle a été stérile. Il n'est même pas question de se demander combien de troupes de théâtre, de groupes musicaux, d'artistes, de cinéastes, d'écrivains, de journaux valables ou juste intéressants elles nous a donné. Même si on limitait la question à combien de pièces,  de films, de livres..., je ne pense pas que la réponse serait très réconfortante.
Je ne parle pas de la politique au sens le plus étroit, entendue au sens de mouvements, de partis, de thèmes et de débats. Là, on savait d'emblée, vu l'état des lieux avant le 14 janvier, qu'il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Un état des lieux dont la principale marque est le vide. Un vide certes créé et entretenu par les gouvernants successifs de Bourguiba à Ben Ali qui étaient tous deux farouchement hostiles à tout semblant de mouvement, à tout frémissement qui pût constituer l'ombre d'une menace contre leur mainmise totale sur le pays et ses gens et qui se sont employé, chacun à sa façon, à maintenir cette affreuse vacuité. Mais, chez ceux qui ont eu le grand mérite de résister peu ou prou à cette terreur de l'absurde, même si leur mérite est indéniable et qu'il leur en coutât cher de s'y essayer, point de projet politique authentique, mûr et crédible. Point même de programme réel. et donc point d'ancrage populaire préalable, préparé ni même envisageable. Seuls les islamistes... !
Le résultat, on le connait. Non seulement, le tableau est-il déjà suffisamment sombre, mais il risque de l'être davantage dans les semaines et les mois à venir. L'étape islamiste ne fait que commencer et tous mes lecteurs savent ce que je pense de l'islamisme et des islamistes. Or, le pire de ce que cette étape peut nous apporter est encore à venir. On me dira avec raison, c'est justement là qu'on doit être plus présent et plus actif que jamais si l'on prétend avoir un tant soit peu de clairvoyance, de lucidité et d'intérêt pour le sort des gens et du pays. Comme il est facile de s'exprimer et d'élever la voix lorsque tout le monde le fait ou peut le faire et que rien ni personne n'est là pour vous en empêcher, en somme, lorsque le risque est nul ! S'il est un moment où critiquer, dévoiler, dénoncer devient important, voire même vital et en tout cas salutaire pour la dignité de l'individu et pour le bien de la collectivité, c'est celui où cela devient impossible sans que l'on aie à payer un prix qui peut être cher, très cher, même prohibitif. C'est ce que d'autres ont fait au cours des cinquante années qui ont précédé le 14 janvier 2011. Beaucoup d'autres. Et je n'ai malheureusement pas l'honneur d'en avoir fait partie. Beaucoup y ont laissé leurs peaux. D'autres y ont laissé des lambeaux de peau (c'est plus approprié que "des plumes"). Quelques uns occupent des postes de responsabilité, parfois importants. Les autres continuent de faire plus ou moins bien ce qu'ils ont toujours fait.
فمنهم من قضى نحبه ومنهم من ينتظر وما بدّلوا تبديلا
Etre le dernier à relever la tête lorsque les jeux étaient presque faits et qu'il n'y avait plus le moindre risque à le faire, surtout là où je suis, et être le premier à la rentrer dans les épaules, à peine un peu plus d'une année plus tard, lorsque le danger ne fait que pointer à l'horizon sans avoir entre temps subi la moindre agression physique ou verbale, la moindre menace, je ne (me) le cache point, n'admet que des qualificatifs peu reluisants : opportuniste, traître, lâche. Je ne tiens pas à m'en défendre et je ne chercherai pas à me disculper de toutes ces tares, ne serait-ce que parce qu'il y a au moins deux principes que je me suis toujours efforcé de respecter scrupuleusement autant qu'humainement possible et qui sont la sincérité et l'honnêteté. Je dirai seulement que je crains que la disproportion entre l'impact possible de ce que j'écris dans ce blog et le risque auquel je m'expose ne devienne de plus en plus grande et qu'elle ne franchisse bientôt la limite du raisonnable. Je ne crois pas en la démocratie des "frères" ni en leur tolérance et leurs "droits de l'homme" pas plus que je ne crois en la liberté sous les auspices d'un gouvernement d'islamistes quels que soient leurs noms et qui que soient leurs présidents de la république et de l'assemblée ou l'identité de leurs alliés et partenaires en général. Il n'est pas loin le jour où l'emprisonnement de tel journaliste, le tabassage de tel autre, la prise à parti de tel activiste ou cyber-activiste ne seront plus des incidents isolés ou le fait "d'éléments incontrôlés". Or, si je sais que je ne risque pas d'être en tête des cibles avec mon blog obscur qui fait à peine une vingtaine de visites par jour, je sais tout aussi bien que viendra un jour où l'on ne fera plus de quartier pour tout ce qui bouge et je sais ce que mes écrits peuvent représenter aux yeux d'un islamiste qui est au pouvoir ou qui a la bénédiction de ce dernier. S'il faut affronter les conséquences extrêmes que cela pourrait engendrer, autant s'impliquer dans une véritable action politique digne de ce nom. Pour diverses raisons dont j'ai déjà évoquées quelques unes, je n'ai pas fait ce choix et je ne suis pas près de le faire. Contre la barbarie, il n'y a pas de demi mesures. Soit on choisit de la combattre et l'on se joint à la mêlée ; au moins si l'on est tué ou estropié, on l'aura cherché et ç'aura été pour la bonne cause. Soit l'on se retire chez-soi et l'on ferme sa porte... et sa gueule. Mais on ne continue pas d'aboyer dans un étouffoir.
Ceci dit, je ne renie rien de ce que j'ai pu écrire au cours des quatorze mois passés. J'assume jusqu'à la moindre ligne, jusqu'au moindre mot. Aussi ai-je l'intention de garder la matière déjà publiée ici en ligne autant que le serveur le permettra. C'est ma modeste façon d'échapper à la médiocrité et à la lâcheté pure. Si je ne puis prétendre à la gloire des grands et à la noblesse des nobles, j'aurai au moins gardé ce petit lambeau de dignité qui nous permet de regarder au fond de nous-mêmes et ne pas avoir honte.
Même si mûrement réfléchie, la décision n'a guère été facile. Il me suffit de d'avouer que le premier jet de ce texte a été rédigé il y a deux semaines et que j'ai entre temps publié pas moins de trois articles qu'on peut difficilement qualifier de diplomatiques ou de prudents. Mais il y a un moment où il faut savoir trancher dans un sens ou dans l'autre.
Mon dernier mot sera un mot de remerciement et de gratitude à tous ceux qui ont été fidèles à cette page et qui m'ont prodigué leur soutien et leurs encouragements. Leur écoute et leur intérêt m'étaient particulièrement précieux. Sans eux, cette entreprise aurait été totalement absurde du début à la fin et simplement inutile. J'ose croire que cela n'a pas été tout à fait le cas.

Sunday, March 4, 2012

Ennemi public numéro 1 ! Pourquoi tout ce bruit autour de l'information ?

Depuis quelques temps, l'information en général et l'information publique en particulier, notamment la télévision nationale, focalise toutes les attentions et toutes les critiques qui virent le plus souvent à l'agression pure et simple. Pourquoi l'information et pas l'appareil judiciaire ou l'appareil sécuritaire ? Pourquoi pas l'administration, les pouvoirs locaux ou la finance ? L'interrogation est légitime. Cela veut-il dire pour autant que le questionnement de l'information est inopportun ou carrément sans objet ? Certainement pas. Seulement, si la mise en question est légitime, on ne comprend pas pourquoi cette mise en question porte de façon primordiale voire exclusive sur l'information et épargne des secteurs au moins tout aussi importants s'ils ne le sont pas davantage. Mais ce qui dérange le plus, c'est le fond même de cette mise en question. Car il suffit d'examiner de près le contenu des attaques menées contre l'appareil d'information et la source de ses attaques pour comprendre la nature de la bataille et de l'enjeu qui est au cœur de telle bataille. Et c'est, malheureusement, tout simple. Qu'il s'agisse de déclarations officielles ou de "manifestations populaires spontanées", un seul et unique reproche est fait à la télévision nationale qui est au centre des attaques : son hostilité au gouvernement et au principal parti politique qui l'anime et à l'égard des islamistes et de l'islamisme en général. Nul besoin, dès lors, de désigner la source des attaques qui se limite à ceux qui seraient la cible de l'hostilité présumée, tantôt représentés par leurs chefs de file et porte-paroles, tantôt par leurs militants de base qui sont alors présentés comme représentant "la voix du peuple". Pourtant, il y a bien d'autres reproches qu'on pourrait formuler dans une démarche véritablement critique et non politicienne à l'encontre de la télévision nationale, aussi bien au niveau de l'institution qu'à celui des journalistes dont on peut citer le manque de transparence, d'innovation réelle et de professionnalisme pour ne mentionner que ces exemples. Seulement, de tels constats ou reproches, on les formule dans un but critique pour aider à l'émancipation et à la maturation d'un appareil qui en est encore à ses premiers balbutiements sur la voie d'une expression à la fois libre et plurielle susceptible de lui permettre de jouer son triple rôle de témoin, d'éclaireur et de vigile qui sont les fonctions essentielles d'une information digne de ce nom dans une société démocratique moderne.
Mais le souci des détracteurs de la télévision publique se situe ailleurs. Il est d'ailleurs symptomatique que, le plus souvent, leurs propos délaissent rapidement le cahier de doléances pour passer au dénigrement et à la calomnie, la formule la plus courante étant celle qui qualifie l'appareil en question de "violet" ou encore "novembrien", c'est-à-dire encore fidèle au régime de Ben Ali. Parfois, l'on parle carrément de "poches de résistance" ou de la présence d'anciens du RCD (ancien parti au pouvoir). Y a-t-il encore des hommes du régime déchu au sein de la télévision ? Je n'en sais rien. C'est possible ; c'est même probable. Par contre, si c'est la tare des tares que ce cher gouvernement d'Ennahdha et ses supporters reprochent à la télévision nationale, ce que je sais de science certaine et qui ne relève pas seulement du domaine du possible ou du probable, c'est que ce même gouvernement compte en son sein au moins un ancien haut responsable de ce même régime tant décrié et son domaine de responsabilité n'est même pas de ceux qu'on qualifie généralement de "techniques" (outre les postes de secrétaire d'état à la pêche puis à l'environnement, il a notamment occupé sous Ben Ali le poste de chef de cabinet du ministre de l'intérieur à une période située bien loin de la période rosâtre ou plutôt grise qu'on peut qualifier de "période de grâce", "de bénéfice du doute" ou "d'incertitude", selon les goûts, pour ceux qui n'étaient pas fixés sur le compte de l'ex-dictateur dès le départ) qui a été repêché une première fois par M. Essebsi avant d'être retenu au sein du gouvernement Jebali en tant que ministre conseiller de ce dernier pour les questions de sécurité. Rien que la présence de cet ancien apparatchik dans un domaine aussi sensible, sans parler de tous les autres cadres supérieurs ou moyens qui ont pu être maintenus à leurs postes ou recyclés au sein de l'administration, devrait interdire à ces zélotes de condamner la télévision pour une telle raison, fût-elle vraie. Ils ont d'autant plus de raisons de s'en abstenir quand on voit l'empressement et l'obséquiosité dont ils ont fait récemment étalage auprès des autorités qui ont offert le refuge à Ben Ali lui-même et non pas à un pauvre journaliste ou un rond de cuir obscur qui l'aurait servi par le passé, laissant la charge de le juger, de le condamner et éventuellement de lui demander réparation (comment ?) "aux mains de la justice" !
Que les journalistes de la télévision tunisienne aient fait preuve d'un certain raidissement à l'égard de tous ceux qui se sont succédé à la tête du pays depuis le 15 janvier 2011 et pas seulement de ceux actuellement en place, c'est tout à fait perceptible. Que ce raidissement ait parfois pris l'allure d'une certaine adversité, c'est tout aussi clair. Mais, c'est plus une hostilité de forme, d'ailleurs souvent maladroite, que de fond. C'est comme si ces journalistes cherchaient, désormais d'instinct, à prendre leur distance vis-à-vis des hommes du pouvoir après avoir si longtemps servi leurs prédécesseurs, à se mettre sur la défensive, essayant de chasser tout soupçon d'allégeance. Mais, ce faisant, ils se préoccupent beaucoup plus du paraître que de l'être. Il en va ainsi de cet entêtement stupide à qualifier de provisoires les tenants du nouveau pouvoir, président et gouvernement, ou encore de cette manie de désigner tout responsable de quelque rang qu'il soit par ses seuls nom et prénom sans jamais prendre la peine de les précéder de "monsieur" ou "madame" comme il est de mise dans les usages du pays et de toute la région, même quand on parle du plus ordinaire des individus, comme si le faire était devenu une marque de collusion ou de connivence. Il en est de même de leur propension à bombarder leurs interlocuteurs parmi les officiels de questions sans leur laisser le temps de répondre ou de dire ce qu'ils ont envie de dire, allant souvent jusqu'à leur couper la parole en plein milieu de phrase contre les règles les plus élémentaires de bienséance, voire même contre les exigences de la simple politesse. Cette maladie infantile de l'information indépendante en démocratie touche jusqu'aux techniciens et aux réalisateurs des journaux télévisés qui ne s'embarrassent pas de couper les séquences vidéo illustrant tel ou tel élément d'information au beau milieu de la déclaration d'un officiel ou d'une conversation de deux ou plusieurs personnalités politiques sans même attendre la fin d'une idée ou d'une phrase... Mais au-delà de ces pratiques trop voyantes qui tiennent plus à l'insolence et au manque de tact qu'à l'indépendance d'esprit et à la liberté d'information et d'expression, prenez n'importe quelle interview d'un homme politique et vous verrez à quel point son auteur manque lui-même d'information, de cette information de fond nécessaire à toute personne qui a pour métier d'informer les autres, mais aussi d'intelligence, de vivacité d'esprit, de sens de la répartie, en un mot des ingrédients élémentaires de l'art du questionnement qui requiert un savoir faire et un savoir tout court sans limite. Qui veut savoir de quoi je parle et mesurer la distance qui reste à parcourir pour nos journalistes dans ce domaine avant d'atteindre le niveau requis n'a qu'à regarder la longue interview du président Marzouki réalisée par un journaliste libanais et diffusée récemment en simultané par la LBC et la première chaîne nationale. J'ai trouvé cette interview particulièrement passionnante, non pas tant par la teneur des réponses de l'interviewé, mais par la qualité des questions, la manière de les poser et toute la stratégie de l'intervieweur. Je n'irai pas jusqu'à mentionner des exemples moins accessibles comme l'excellent Hard talk de la BBC World Service...
Toutefois, détrompez-vous ! Ce n'est pas ce genre de considérations qui préoccupent les détracteurs de la télévision nationale ni même la partialité fictive ou réelle qui marquerait l'attitude des journalistes et le traitement de l'information. Pour s'en assurer, un seul exemple suffit. L'émission d'actualité Hdith Essa'a qui passait tous les jours de la semaine de 19h à 20h. Le concept de l'émission était un concept ouvert et intelligent. Sa matière était variée et souvent pertinente. Son présentateur était toujours bien préparé pour aborder les différents thèmes choisis et dialoguer avec ses invités soigneusement choisis et savamment sélectionnés en fonction des sujets tout en tenant compte de la variété d'obédience et/ou d'appartenance politique qu'il questionnait avec beaucoup de doigté. Il n'hésitait d'ailleurs pas à en rajouter tant il tenait à regarder soigneusement où il mettait les pieds... Or, qu'en est-il advenu ? On a d'abord commencé par chasser l'assistant, Haytham El-Makki, jugé, dit-on, trop hostile à Ennahdha. Personne ou presque n'a bronché. Mais, ce n'était guère suffisant et l'on a fini par avoir la peau de l'émission et de son présentateur principal Elyes El-Gharbi, en dépit de toutes ses qualités, de toutes ses précautions et du succès indéniable de l'émission à l'audimat. Difficile d'imaginer que ce lâchage soit destiné à contrarier Ennahdha. C'est même le contraire qui est le plus vraisemblable ! Comme quoi, la télévision, du moins l'institution et, surtout, sa direction, n'est pas si réfractaire qu'on veut bien le laisser entendre à l'influence du pouvoir islamiste.
Mais, alors, quel est le vrai problème. Quel dessein desservent ces attaques en règle ?
La réponse est claire et toute simple. Le véritable enjeu n'est pas tant le professionnalisme dans le traitement de l'information, sa partialité ou son impartialité ni même l'attitude plus ou moins favorable à l'égard du gouvernement, mais bien le contrôle de ce formidable appareil de propagande qu'est la télévision qui précède de loin en importance celui de la radio ou des journaux qui ne sont certes pas épargnés, mais qui passent au second plan par rapport à la télévision. On a beau affirmer que la bataille de l'information se joue désormais sur la toile (elle-même d'ailleurs loin d'être négligée), il n'en demeure pas moins que la télévision passe de loin devant internet et ses réseaux sociaux dans un pays où l'on est encore loin de compter un pc et encore moins une connexion internet par ménage, y compris dans les grandes agglomérations urbaines, mais où l'on n'est pas loin de parler d'un téléviseur par foyer même dans les milieux les plus démunis et les recoins les plus reculés et les plus éloignés de la civilisation. Les moyens d'information en général et la télévision en particulier n'ont d'équivalent en importance que l'appareil éducatif dans le façonnage des esprits et la formation des opinions (il suffit pour s'en convaincre d'écouter le discours de M. Mourou à l'intention du prédicateur égyptien Ghunîm ainsi que celui des autres personnalités islamistes présentes à cette rencontre mémorable). L'école est en bonne voie d'être complètement domestiquée, la télévision est pratiquement la dernière enceinte qui échappe encore à la mainmise islamiste. Bien sûr, il y a les partis politiques dits "d'opposition laïque". Il y a aussi le mouvement associatif largement séculier. Et il y a enfin les syndicats. Les premiers ont déjà montré toutes leurs limites. Le second est certes déjà mieux doté, mieux organisé et implanté et du coup plus coriace. Mais il perdrait beaucoup de sa vigueur et de son efficacité s'il était privé de l'une de ses principales tribunes sinon la principale. Quant aux syndicats, il ne saurait être question de s'y attaquer sérieusement tant qu'on n'aura pas neutralisé les deux premiers. A ce titre, les dernières escarmouches ne doivent être perçues tout au plus que comme de simples ballons d'essais si elles ne sont pas simplement le fait de quelques éléments incontrôlés. M. Ghannouchi et ses amis sont trop avisés pour courir deux gros lièvres à la fois. Mais on ne perd rien pour attendre.
C'est pour ces raisons que la bataille en cours est, déjà, une première bataille décisive bien plus importante que celles du niqâb, de la présidence des commissions de l'assemblée constituante ou du ma'dhûn charaîque et du mariage coutumier toutes réunies.
EDIT : Lyes El-Gharbi a refait son apparition sur le petit écran avec son émission Hdith Essa'a. Mes soupçons d'une éviction sous l'influence directe ou indirecte d'Ennahdha seraient donc infondés. Si c'est le cas, mea culpa. En tout cas, la devise qui sert de sous-titre à ce blog n'est pas là seulement pour la forme. Néanmoins, je ne pense pas que cette erreur d'interprétation soit suffisante pour invalider mon analyse. Seuls les événements à venir peuvent éventuellement le faire. Sincèrement, j'en doute. Mais si cela devait arriver par bonheur, je serais le premier à le reconnaître en gros caractères et à m'en réjouir.
Edit 2 : On sait depuis que le mea culpa n'était malheureusement guère justifié, puisque l'émission a tenu encore deux mois de plus avant d'être supprimée de la grille. Celle qui l'a remplacée et son animatrice n'ont pas eu plus de chances. Elles n'auront résisté que quelques mois avant de subir le même sort

Thursday, March 1, 2012

Dr Jekyll & Mr Hyde : Abdelfattah Mourou par lui-même

Point besoin du moindre commentaire. Il suffit d'écouter les propres paroles de l'intéressé et de confronter ses déclarations les unes avec les autres.
Mourou et Ennahdha :
Ghannouchi est mon président


Divorcés

Sa participation au gouvernement :
Il se sont moqués de lui

C'est lui qui a préféré se désister


Le statut personnel :
L'expérience de la Tunisie est une expérience éclairée qui lui fait honneur et la distingue des autres pays arabes  et qu'il faut donc renforcer

La Tunisie a été désislamisée et l'islam y a été vidé de tout contenu et c'est dans ce contexte que Bourguiba a pu "dévoiler" la femme sans la moindre résistance
L'excision :
Elle est à rejeter totalement et n'a pas de place chez-nous

Le prophète a dit que c'était une bonne chose sans toutefois en faire une obligation, mais ce n'est pas le moment propice pour en parler car les circonstances ne le permettent pas
A propos de Ghunîm :
Un premier son de cloche


Et encore


Un autre son de cloche


La charia dans la constitution :

Son avenir politique :

Le vrai du faux à propos de tout cela :