Elections
Que des élections aient lieu, c'est, certes, une bonne chose en soi. Encore faut-il voir leurs modalités, leur contenu et leur but. Monsieur Ben Ali a organisé plusieurs élections pendant son règne et l'on sait quelle valeur et, surtout, quelle fonction elles avaient. Que de telles élections soient de vraies élections libres et plurielles, c'est déjà mieux, bien mieux même. Mais, attention ! Cela ne suffit guère pour que ces élections constituent à la fois un mécanisme de participation populaire réelle au choix des orientations politiques, économiques et sociales d'avenir et un moyen de contrôle et de sanction. Bien des conditions doivent être réunies pour que les élections jouent un tel rôle dans la vie d'un pays. Elles ont trait tant à la condition des électeurs (d'abord leur condition économique : dans quelle mesure ils sont à l'abri du besoin et, par là, inaccessibles à la corruption et au chantage, ensuite leur condition intellectuelle : quel niveau d'instruction ils ont, quelle culture politique, quelle conscience des enjeux et des implications du processus électoral pour la collectivité ?) qu'à celle des élus (dans quelle mesure ils représentent un véritable courant de pensée porteur d'un programme et d'une vision du monde cohérente qui corresponde aux intérêts et aux attentes d'une tranche plus ou moins importante de la population concernée ?). Bien entendu, la configuration parfaite qui verrait toutes les conditions requises réunies reste un idéal vers lequel on ne peut que tendre pour s'en rapprocher plus ou moins sans jamais l'atteindre. Il n'en serait pas moins utile ou, du moins, indicatif de se poser la question pour savoir la signifiance de la prochaine échéance électorale qui pointe dans moins d'un mois. Où en sommes-nous de cette configuration idéale ? Combien d'élections nous en séparent ? Avons-nous des chances un tant soit peu raisonnables de nous trouver à une distance acceptable de cet idéal dans un avenir prévisible ?
Communication politique
On peut y inclure l'information, la propagande et, même si c'est apparemment une spécialité purement tunisienne, jusqu'à la publicité. Chacune de ces formes de communication se distingue par son contenu et par ses modalités. Mais pour avoir une meilleure idée sur la question, plutôt que d'entrer dans une longue dissertation abstraite, je vais recourir à l'analogie et emprunter un ou deux exemples aux différentes formes de discours attachées à un produit commercial supposé noble : un médicament. Pour le même médicament, n'importe quel médicament, on peut trouver le spot télévisé de 30 secondes, l'affiche, le panneau ou l'insertion publicitaire dans la rue, dans un journal ou à la devanture, voire sur le comptoir, d'une pharmacie, arborant tous plein d'images et peu de mots avec des formules-choc. Il y a la notice ou mode d'emploi soigneusement pliée en huit ou en seize à l'intérieur de la boîte qui offre toute une prose souvent écrite en de tout petits caractères pratiquement illisibles et qui détaille la composition, les indications, les contre-indications, la posologie et parfois même les effets indésirables. Et il y a enfin les articles scientifiques dans les revues spécialisées qui évaluent l'efficacité du médicament en question et son innocuité ou son éventuelle nocivité sur la foi des tests, examens, analyses, enquêtes cliniques et autres sondages auprès des utilisateurs. Une chose est certaine : parmi ces trois formes, c'est celle qui est la plus visible qui coûte le plus et qui informe le moins. A vous de voir à laquelle de ces formes s'apparente la forme de communication qui prédomine dans le vacarme qui précède les élections et en quoi elle nous renseigne sur nos maux et les remèdes qu'on prétend nous offrir pour les soigner !
Programme
On a tant reproché aux partis politiques qui ont poussé comme des champignons dans la Tunisie d'après le 14 janvier de n'avoir présenté aucun programme politique qu'on ne va pas leur reprocher d'afficher enfin les leurs, maintenant qu'ils se bousculent au portillon pour présenter chacun le sien. Seulement, on a l'impression que nos partis se trompent d'élections ou peut-être rêvent-ils si fort de pouvoir à l'instar de ce cher Nejib Chebbi qu'ils se croient déjà en campagne pour des élections législatives et/ou présidentielles. Ça va venir, mais on n'en est pas encore là. Pour l'instant, on en est encore à l'élection d'une assemblée constituante qui va, certes, avoir à gérer le pouvoir et peut-être même l'exercer sous une forme qui reste à définir. Mais sa tache principale demeure l'élaboration d'une nouvelle constitution, celle qui consiste à gérer ou exercer le pouvoir n'étant qu'une tache accessoire et cet exercice et ses structures ne devant être que provisoires, le temps que les nouvelles institutions soient mises en place, même si elles seront dotées d'une légitimité dont MM. Mebazzaa et Sebsi sont dépourvus. Donc, même s'il est toujours utile de savoir ce que Ennahda nous a concocté pour l'éducation, ce que le PDP nous propose dans le domaine de l'économie ou ce que Ettakattol envisage de faire dans le domaine de la santé, il nous importe d'abord et surtout de savoir quelle constitution ils entendent nous donner, quel régime ils veulent instaurer, quelles institutions politiques ils comptent mettre en place. Quel type d'état fondé sur quels principes et quelles valeurs fondamentales. Car c'est sur la base de telles options et de tels choix que l'électeur doit choisir ses élus et non sur celle de la place qu'on réserve au tourisme ou celle du choix de nos "partenaires privilégiés" et de nos "alliés stratégiques"
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(Ex) détenus politiques
Je ne dirai jamais assez tout le respect qu'on leur doit. Moi-même, en tout cas, je suis tout respect pour ces gens qui se sont donnés un idéal radicalement différent de ce qui leur est donné, de ce qui nous est donné, qui ne se sont pas contenté de le rêver ou de l'imaginer dans leur for intérieur ou dans leurs conversations privées avec leurs intimes comme c'est le cas de la plupart d'entre nous, pauvres humains moyens, ordinaires, presque médiocres, l'ont assumé haut et fort, joignant la parole à la pensée et l'acte à la parole et ont payé le prix, un prix cher, très cher, trop cher pour eux et pour les leurs qui n'était, pourtant, pas dans leurs moyens, mais qu'ils sont, néanmoins, allés chercher dans leurs maigres ressources et l'ont miraculeusement trouvé...
Certes ! Cela veut-il dire pour autant que nous sommes collectivement ou individuellement en dette à leur égard ? Je ne le pense sincèrement pas. Ce prix qu'ils ont payé, les sacrifices qu'ils ont consentis, les peines qu'ils ont endurées, c'était pour faire valoir et avancer leurs idéaux propres qui allaient sûrement au-delà de leurs personnes, embarquant toute une société. Mais, il n'est pas dit que ces idéaux engagent la société en question tout entière et reflètent ses propres aspirations. Cela peut d'autant moins être le cas que cette société est loin d'être homogène, qu'elle renferme en son sein autant d'intérêts, de sensibilités et d'aspirations que les composantes qui la forment et que ces détenus eux-mêmes sont hétérogènes, que leurs idéaux peuvent être variés, voire contradictoires. Pourquoi je me sentirais en dette vis-à-vis de M. Chourou ou M. Laraïedh qui ont été tous les deux condamnés à mort sous Bourguiba et qui ont passé plus de vingt ans dans les prisons de Ben Ali, subissant les pires tortures, alors que l'objectif de leur combat politique était et demeure l'instauration d'un régime islamique inspiré de la charia et dont, non seulement, je ne veux pas, mais je suis persuadé qu'à bien des égards, au moins à celui de l'oppression politique, il pourrait être semblable à celui de M. Ben Ali sinon pire ? Mais, aussi, peut-on imaginer les adeptes du même idéal politique que MM. Chourou et Laraïedh se sentir en dette vis-à-vis de M. Hamma Hammami qui pendant plus de trente ans a vu, connu et subi toutes les formes d'oppression et dont le projet politique est aux antipodes du leur et vice versa ? Mieux, comment n'importe quel tunisien pourrait-il être en dette vis-à-vis des Chourou, Laraïedh et Hammami tout à la fois ? Que dire en plus de ceux qui ont refait leurs comptes entre temps et revu leurs idéaux et ambitions, tel ce militant de la première heure de la générattion des géants dont certains ont trépassé et d'autres attendent leur heure (منهم من قضى نحبه ومنهم من ينتظر وما بدّلوا تبديلا) et dont le slogan est désormais "l'argent est le nerf de la guerre", à la fois mot d'ordre, credo et programme politique ?!
Non, messieurs, nous nous inclinons bien bas devant votre passé militant, votre foi et votre courage. Vous valez sûrement mieux que la plupart d'entre nous par votre courage, votregénérosité et votre esprit du sacrifice. Mais, nous ne vous devons rien. Et votre engagement et vos souffrances passées dont certaines séquelles pourraient même être encore bien présentes ne vous donnent pas plus une quelconque prééminence sur nous quand il s'agit de juger le présent ou de décider de l'avenir.
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