Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Friday, May 20, 2011

Lendemains incertains

Avec les pesanteurs et les atermoiements du gouvernement provisoire d'une part, les velléités revendicatives de tous bords et la situation quasi-marasmique de l'économie d'une autre, sans parler de l'insécurité rampante et de la situation particulièrement précaire à la frontière tuniso-lybienne, la situation n'était guère brillante, quelques mois après le renversement de monsieur Ben Ali. Or, voilà que vient s'ajouter à ce tableau déjà peu reluisant une donnée toute nouvelle, celle de la présumée infiltration dans nos territoires d'éléments armés dont les mouvements, l'équipement et le comportement tels que rapportés par les médias et les milieux autorisés ne présagent rien de bon sur leurs intentions. Encore plus que les individus ou groupes d'individus interceptés dans les régions du sud et du centre, le tout récent accrochage spectaculaire dans une ville du nord-ouest du pays donne une tout autre dimension à ce nouveau phénomène tout à fait inédit en Tunisie et dont on croyait jusqu'à maintenant que cela n'arrivait qu'aux autres (en Algérie sûrement ; peut-être aussi en Mauritanie, même si dans une moindre mesure ; à la rigueur au Maroc, mais sûrement pas en Tunisie).  Ce même caractère inédit autant que l'ampleur éventuelle du phénomène et sa portée en font déjà un motif de préoccupation suffisamment sérieux. La perspective d'une implantation plus ou moins durable d'activistes armés et violents dans le pays avec le climat de terreur effectif ou ressenti qu'elle peut induire n'est nullement rassurante pour une population qui, paradoxalement, serait encore plus aux abois qu'elle ne l'était avant le 14 janvier. Pis encore, elle risque d'être fatale à une économie déjà mal en point en achevant de dissuader, peut-être pour longtemps, les flux de touristes dont cette économie est devenue lourdement dépendante suite aux choix désastreux de quarante ans d'une politique aussi effrénée qu'irraisonnée, mais également ceux des capitaux étrangers dont on a tant besoin pour relancer l'emploi en attendant (et surtout en espérant) une profonde restructuration de notre économie et une révision radicale de nos choix de société.
Rien que pour cela (est-ce si peu ?!), on a toutes les raisons de s'inquiéter. Mais le mal redouté est même plus grand et mes craintes vont bien au-delà de celles déjà énoncées.
La première de ces craintes concerne l'information même qu'on veut bien nous servir et son rapport à la vérité. Certes, à première vue, les faits les plus saillants qu'on a daigné nous révéler jusqu'ici ne semblent point faire de doute. Mais, l'expérience de longues décennies d'un pouvoir dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est ni une émanation du peuple ni au service de celui-ci nous a appris à nous méfier de tout ce que racontent les gouvernants (الحاكم) et la prestation durant les mois passés du gouvernement de transition dans ses versions successives, la plus récente comprise, n'incite guère à baisser la garde. On n'est jamais sûr de la part de ce qu'on nous montre et de celle de ce qu'on nous cache des faits et des personnes ni de la véracité des motivations et des intentions déclarées et cette incertitude même, voire la suspicion qu'elle engendre et qui la sous-tend à la fois sont à même d'accentuer l'état de psychose. Cependant, au-delà de ces risques tous aussi réels que graves, mon souci majeur concerne les risque de manipulations et de dérives auquel nous expose cette nouvelle donnée. Il est vraiment malheureux de le penser et de le dire, mais ce que je redoute le plus, c'est bien le mauvais usage qu'on peut faire de cette donnée, quand bien même il s'agirait d'une donnée objective bien réelle, et des abus qu'elle pourrait rendre possibles ou faciliter.
Le plus évident de tels abus serait que ceux qui tiennent en ce moment les rênes du pouvoir puissent se servir de l'existence de vrais terroristes pour en désigner de faux. N'est-il pas une tentation constante chez les puissants d'accoler l'infamant qualificatif à quiconque dont l'existence, les prises de positions ou les actions seraient gênantes pour eux pour le brimer ou, du moins, pour le neutraliser ? Comme il serait facile d'accuser tel individu, tel groupe, voire même tel parti d'être de mèche avec les terroristes ou même d'être lui-même terroriste ? Quelle condamnation plus irréfragrable, quelle attaque plus imparable contre tout empêcheur de tourner en rond ?..
Un autre risque serait le raidissement de l'attitude de l'appareil policier et sécuritaire pourtant déjà bien raide face à toute velléité de contestation ou de revendication quels qu'en soient les protagonistes, la forme et les motivations.  On a déjà pu voir comment cet appareil réagissait directement ou par procuration à des manifestations ou des sit-in même pacifiques, même minoritaires et ne constituant aucune sorte de danger pour l'ordre établi. Alors, imaginez un peu ce qu'il en serait une fois établi le fait que le pays est "infesté d'agitateurs armés et dangereux" !
Enfin, le risque ultime serait de formaliser et d'officialiser une situation censée être provisoire dans ses structures et ses modalités de sorte que le gouvernement en place cesse d'être provisoire ou de transition et que la prochaine échéance électorale soit renvoyée aux calendes grecques sous couvert de la "gravité des circonstances" et de la primauté du fameux "intérêt supérieur de la nation", expressions qui riment parfaitement bien avec d'autres dont on n'a pas attendu les récents événements pour nous les brandir à la face telle la désormais tristement célèbre "autorité de l'état" هيبة الدّولة...
Faut-il ajouter à tout cela le climat de défiance et de suspicion qui risque facilement de s'installer et l'incitation à la délation et aux règlements de compte que peut favoriser un tel climat dont les prémices sont déjà là avec les spots télé intempestifs de notre most wanted man national ?...
Décidément, ils sont loin les lendemains qui chantent !

No comments:

Post a Comment