C'est le thème le plus constant qui n'a pas cessé un seul jour d'être d'actualité depuis un certain 14 janvier qui a vu le départ précipité et surtout inattendu de l'ex-président de la république. Pourtant, plus de deux mois et demi se sont écoulés depuis qui ont été riches en événements et en rebondissements et qui ont vu défiler trois hommes successifs au fauteuil de ministre de l'intérieur. Il n'en demeure pas moins que la situation ne semble guère s'améliorer et l'on peut même craindre qu'elle ne demeure longtemps incertaine et instable. Or, si un mélange de flottement, d'agitation et de manœuvres diverses était à la fois prévisible et compréhensible ou, du moins, explicable dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre du 14 janvier, on ne peut ni comprendre ni trouver de justification à la persistance de l'insécurité bien au-delà de cette période initiale.
Mais de quoi s'agit-il exactement ? A ce stade, je dois tout de suite avertir mes lecteurs que que je suis vraiment très mal placé, tant pour offrir une description précise des faits que pour les soumettre à un examen critique rigoureux. Je suis d'autant moins bien placé pour le faire que, d'une part, je n'ai pas les qualifications et les aptitudes requises pour faire ce genre de travail qui relève du journalisme d'investigation, d'autre part, par-delà mes carences subjectives, je vis loin du pays, de sorte que je n'ai même pas l'avantage de la proximité et de l'observation directe de ce qui se passe réellement sur le terrain même en tant que simple citoyen témoin de la vie quotidienne. Tout ce dont je dispose se résume ainsi aux bribes d'informations qui me parviennent de sources diverses, à commencer par les moyens d'information nationaux (essentiellement la télévision publique et, dans une moindre mesure, privée) et ce qui s'écrit sur internet, en plus d'une certaine dose de jugeote ou de simple bon sens...
A en croire les sources d'information précitées, l'insécurité en question se manifeste sous des formes diverses selon qu'on tient compte de la nature des actes impliqués et de leurs fins, des acteurs ou des cibles visées par ces actes. Si l'on considère les actes eux-mêmes, ils sont tantôt des actes du type criminel ou délictuel classique commis dans un but utilitaire (vols à main armée, braquages...)...) ou symbolique (marquage de territoire, réprésailles face à un groupe rival tels les affrontements collectifs et batailles rangées opposant différents groupes de population tantôt à l'échelle d'une ville, tantôt à l'échelle d'un quartier ou d'un secteur), tantôt "terroriste" aux fins mal définies (lorsqu'il s'agit d'actes dirigés contre des institutions ou des édifices publics telles les attaques de postes de polices, d'hôpitaux, de dispensaires..). Au niveau des acteurs, ces actes sont soit individuels ou quasi-individuels, lorsqu'il s'agit d'actes de banditisme, soit collectifs qui mettent en scène des groupes plus ou moins spontanés ou organisés selon les circonstances qui s'en prennent les uns aux autres ou s'attaquent aux forces de l'ordre ou à leurs prémices. Cette diversité des fins, des formes, des modes d'action et des acteurs nous permet d'emblée d'exclure l'hyptohèse selon laquelle ils'agirait d'un phénomène unique et surtout voulu et organisé par une partie déterminée (individu ou groupe d'individus) à localiser et à démasquer qui agirait "contre les intérêts de la révolution". D'ailleurs, à ce stade, je ne sais plus trop où se situe la révolution en question et en quoi consistent ses intérêts. En d'autres termes, la théorie d'un complot ourdi par une partie occulte autre que celles bien visibles est à écarter. Mais pourquoi ne pas aborder la question autrement en formulant une série d'interrogations qui me semblent évidentes en la circonstance ?
La première de ces interrogations est la suivante : l'insécurité liée à la petite délinquance est-elle vraiment un phénomène nouveau dans notre pays ? La Tunisie était-elle exempte de vols à la tire, de braquages, de vols à main armée, de viols et de vandalisme ou bien encore de tels crimes étaient-ils insignifiants en nombre et en gravité avant de connaître une croissance spectaculaire soudaine après le 14 janvier ? Je ne dispose pas de statistiques précises pour étayer mon propos, mais je doute fort que cela soit le cas. Demandez à n'importe quel tunisien et il vous le confirmera. A ma connaissance, les crimes les plus spectaculaires que le pays ait jamais connus ne datent pas des deux derniers mois. Non seulement, nos villes et nos quartiers n'ont jamais été vraiment sûrs au cours des dix à vingt dernièers années, la situation empirant même d'année en année, mais on sait pertinemment, d'une part, que l'appareil de police aussi formidable et aussi bien fourni qu'il l'était en effectifs et en moyens logisitiques n'a jamais eu pour tache principale de combattre le crime et veiller à la sécurité des tunisiens, sa première tache étant d'épier, de surveiller et de réprimer toute velléité de contestation, et, d'autre part, que la police elle-même et ses membres n'étaient pas forcément étrangers à certains agissement délinquants. On sait très bien, que l'implication de policiers dans certaines activités criminelles a été à plusieurs reprises clairement établie. On peut même avancer sans trop de risque de se tromper que, loin de relever d'actes isolés de quelques brebis galeuses, ces implications qui étaient en train de devenir de plus en plus systématiques étaient à la fois favorisées par le climat malsain qui se développait au sein de l'ensemble de l'appareil d'état et des secteurs de l'économie où les pratiques délictueuses étaient devenues la règle et supposer que la maintien d'un cerain degré contrôlé d'insécurité et la criminalisation de la police étaient probablement voulus en haut lieu comme un moyen pour mieux contrôler la société et la subjuguer. La recette est vieille comme le monde.
Mais, alors, pourquoi ce banditisme est-il tout d'un coup devenu plus visible. Cela pourrait s'expliquer par une certaine liberté d'expression accordée aux moyens d'information dans la foulée des récents événements et qui , au lieu d'être mise à profit pour développer une vraie information qui rend compte des tendances et des phénomènes d'intérêt public et favorise le débat, se concentre sur le fait divers, contribuant à ce curieux phénomène de transparence opaque que nous vivons depuis quelques temps qui fait que l'on fait mine de tout nous dire sans ne rien dire. Il n'est pas interdit de penser que cette visibilité à son tour n'est pas pour déplaire à certaines parties dont les puissants du moment pour ne pas dire qu'elle pourrait même servir leurs desseins comme l'existence de la délinquance a pu servir la cause des puissants d'hier.Cettte dernière hypothèse permettrait d'expliquer la prévalece de cet autre type de délinquance qui n'est pas nécessairement mue par des motivations lucratives et qui dépasse parfois le cadre des agissements d'individus ou de bandes isolées (et ce type là en particulier, je veux dire les attaques de poste de police et d'hôpitaux et même les affrontements à l'échelle d'un secteur urbain ou d'une ville entière, il faut le dire, est tout à fait nouveau et n'a pas d'équivalent dans l'ère Ben Ali). La thèse de l'instrumentalisation par les gens au pouvoir de l'insécurité et de la violence devient d'autant plus plausible lorsqu'on se pose les questions suivantes.
Comment se fait-il que des bandes de délinquants et des groupes de toutes sortes osent aujourd'hui commettre des actes que personne n'aurait imaginé possibles il y a quelques mois ? On peut répondre assez facilement à cette première question que la réponse est d'ordre psychologique qui réside dans la chute du mur de la peur bâti au fil des ans par un régime éminemment répressif sur l'omnipotence de son appareil sécuritaire et la crainte de ce dernier. Admettons que c'est plausible. Mais comment expliquer l'impuissance apparente et surtout soudaine de ce même appareil sécuritaire face à ces agissements ? Cette dernière question dont la réponse risque d'être déterminante pour ne pas dire décisive pour la compréhension du phénomène est d'autant plus légitime que les actes dont nous parlons ne m'ont pas l'air d'être d'une intensité et d'une envergure telles qu'ils déborderaient les capacités et les moyens d'action de nos forces de l'ordre qui se trouvent en ce moment, ne l'oublions pas, renforcée par la présence ne serait-ce que dissuasive de l'armée. Si les faits eux-mêmes ne sont pas si nombreux et d'une telle ampleur qui permettrait d'invoquer le débordement ou l'impuissance des forces de l'ordre, qu'en est-il de ces forces elles-mêmes ? Il est notoire que les forces de sécurité sous Ben Ali étaient devenues pléthoriques tant les soucis sécuritaires du régime avaient tourné à la manie. Que s'est-il passé depuis la chute de l'ex-président ? A-t-on opéré un dégraissage important de leurs effectifs ? A-t-on procédé à une vaste purge parmi leurs cadres ? Je ne le pense pas car si cela avait été le cas, on n'aurait pas manqué de le crier sur les toits et de le souligner comme une mesure révolutionnaire du nouveau gouvernement comme on a annoncé en grande pompe "la dissolution de la police politique". Je me suis déjà exprimé sur cette prétendue mesure en indiquant combien j'étais sceptique face à une telle annonce. D'ailleurs, la déclaration de l'ex-ministre de l'intérieur, monsieur Rajhi, selon laquelle l'effectif de ce service ne dépasserait pas les deux mille hommes en dit long sur la question. Mais feignons d'avaler cette grosse couleuvre et supposons pour un instant que ce qu'on nous a dit est vrai ! Sachant que l'effectif en question dépasse de très loin le chiffre ridicule avancé par monsieur Rajhi et imaginant qu'on ne peut pas raisonnablement avoir renvoyé tous ceux qui étaient affectés à ce service et qui sont probablement parmi les meilleurs agents, les mieux formés et les plus expérimentés de nos forces de police, on peut supposer en toute logique qu'il fallait leur trouver autre chose à faire. Dans ces conditions, les forces de police "classiques" ayant pour charge de veiller sur l'ordre public n'auraient non seulement pas été affaiblies suite à la chute de monsieur Ben Ali, mais elles se seraient, bien au contraire, même considérablement renforcées depuis par l'affluence de tous ces effectifs hyper-qualifiés qui se seraient soudain trouvés sans fonction et qu'il aurait fallu affecter à d'autres services et charger d'autres taches comme celles de combattre le crime et la délinquance sous toutes ses formes et, éventuellement, protéger les commissariats de police... Dans un tel contexte où l'on est en droit de s'attendre à voir l'ordre et la sécurité régner plus facilement, une montée de la délinquance est tout simplement inexplicable.
Faut-il à ce moment-là rechercher l'explication dans une humanisation excessive de la police tunisienne à la faveur de la révolution qui l'aurait rendue inoffensive et par là même inefficace à force d'être devenue respectueuse de la loi et des droits de la personne, si bien qu'elle n'ose plus s'en prendre à personne, même quand il s'agit de neutraliser de dangereux criminels ou de se protéger elle-même ? Difficile de le croire quand on voit la manière avec laquelle on a traité la foule des manifestants en de nombreuses occasions à la Kasbah et ailleurs.
Si l'on élimine toutes ces possibilités (une activité criminelle débordante qui dépasse les moyens des forces de l'ordre, des forces de l'ordre affaiblies par des purges et des dégraissages massifs, une application trop scupuleuse de la loi et des pratiques trop respectueuses des droits de l'homme...), il ne reste plus d'autre explication possible que le souhait de la part de ceraines parties influentes d'entretenir un climat d'insécurité réel ou imaginaire pour mieux faire passer certaines mesures et certains choix présents et/ou à venir ou l'absence de cerains autres. Maintenant, soit ces parties aussi puissantes et influentes soient-elles ne sont pas arrivées (pas encore ?) à prendre le pouvoir ou, du moins, à le contrôler totalement et, dans ce cas, ceux qui l'ont entre les mains, même à titre provisoire et qui ne peuvent pas ignorer l'existence de ces parties et leurs agissements doivent s'en ouvrir au peuple au plus vite et faire le nécessaire pour les contrecarrer, soit elles sont déjà au coeur du pouvoir et, là....!
à ce propos il faudrait peu être attendre l'élection de la constituante pour avoir une idée plus claire sur cette question, et sur le présumé gouvernement de l'ombre qui est de plus en plus cité. Juste après l’élection on aura un aperçu sur le degré de crédibilité de ce gouvernement provisoire, bien sur tout cela en supposant que les prochaines élections ne seront pas truquées...
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