Un dialogue récent avec une personne chère qui se reconnaitra a ravivé une question qui n'a jamais été absente depuis la genèse de ce blog, à savoir : dans quelle langue écrire ? La réponse est beaucoup moins évidente qu'il n'y paraitrait. Vous me direz, qu'apparemment la réponse ne semble faire aucun doute à mes yeux, puisque j'ai déjà choisi ma langue d'écriture et que je ne me suis jamais écarté de ce choix jusqu'à ce jour ni même senti le besoin d'évoquer la question ou de donner des raisons pour ce choix. En fait, il n'en est rien. Le fait que j'aie "choisi" d'écrire en français ne signifie ni que c'est là le seul choix possible ni, encore moins, le mieux indiqué.
D'ailleurs, s'agit-il vraiment d'un choix au sens de la sélection raisonnée d'une option préférée ou privilégiée parmi d'autres options ? Je n'en suis pas sûr. Mais posons la question autrement ! Je pense que la sélection de la langue dans laquelle on s'exprime peut (doit ?) se faire soit en fonction du lectorat, de l'auditoire ou encore du public cible auquel on pense ou l'on veut s'adresser, soit encore en fonction de ses propres aptitudes à s'exprimer le mieux et avec le plus d'aisance et de bonheur dans l'une ou l'autre langue, soit en tenant compte de l'un et l'autre de ces critères. Il peut sembler évident que le dernier critère cité est prépondérant, voire incontournable, mais, je n'en suis pas si sûr. Depuis que je fréquente la blogosphère qui est un monde tout à fait nouveau pour moi, je vois souvent des gens qui ne maîtrisent pas vraiment la langue qu'ils utilisent, mais ça ne les empêche guère de s'exprimer dans cette langue et d'écrire des choses intéressantes. Pour en revenir à ma personne et à ce blog, j'avais théoriquement le choix d'écrire en arabe ("classique"), en français ou encore en arabe dialectal (j'aurais pu ajouter l'anglais, mais ce n'est justement pas une langue que je maîtrise suffisamment à l'écrit et ce n'est surtout pas une langue couramment utilisée chez mes concitoyens qui sont les premiers concernés par ces écrits). L'option de l'arabe dialectal est tout à fait hypothétique pour la simple raison que, bien que ce soit ma véritable langue maternelle (et celle de tout tunisien né d'une mère tunisienne arabophone), il ne s'agit pas d'une langue écrite et, même si bien des blogueurs ont choisi de s'exprimer dans cette "langue", on manque trop de véritables traditions et repères scripturaux pour se lancer dans une entreprise sérieuse d'écriture en arabe dialectal (tunisien). Je le sais, c'est mon côté "intellectuel" qui parle. Mais, que voulez-vous ? On ne se refait pas !
Restaient l'arabe "classique" et le français. La connaissance des langues, comme toute autre connaissance, ne pouvant être que relative, je dirai simplement que ce sont là les deux langue que je connais le mieux et dans lesquelles j'ai été le mieux instruit, à part ma langue maternelle. Et, là, se pose la question de mon audience. Or, à dire vrai, même si cela ne me glorifie guère, je n'ai jamais pensé (je ne le pense toujours pas) que ces lignes étaient susceptibles de toucher une large audience. Tout en souhaitant le contraire, je savais que mes lecteurs ne se compteraient, tout au mieux, que par (quelques) dizaines formées pour l'essentiel de parents et d'amis plus ou moins proches. Comme je l'ai déjà dit, cela rend toute l'entreprise peu glorieuse, mais mieux vaut se dire sa propre vérité soi-même, fût-elle amère, que de se la laisser dire par d'autres. Ce blog et son contenu, comme je l'ai clairement énoncé dès le départ, n'est rien d'autre qu'un acte de (bonne ?) conscience. Mais quand bien même il rencontrerait un succès inespéré et atteindrait une audience insoupçonnée, suis-je vraiment sûr que son contenu serait d'autant plus accessible et l'audience en question plus large si j'écrivais en arabe ? J'ai mes doutes sérieux là-dessus pour la simple raison que, dans un contexte culturel comme celui de la Tunisie, la ligne invisible qui sépare les gens en deux groupes, l'un capable et l'autre incapable de lire et de comprendre une certaine matière écrite relève plus de l'illettrisme, au vieux sens du terme, et de son contraire. En d'autres termes, si ce que j'écris en français devait paraître inaccessible à certains lecteurs tunisiens, il y a de fortes chances qu'il le soit tout autant si je l'écrivais en arabe. Ce n'est peut-être pas le cas pour certaines franges des vieilles générations (plus vieilles que la mienne en tout cas) qui peuvent compter des individus à culture monolingue arabe ou française, mais cela ne me semble pas moins valable pour ceux de ma propre génération et celles qui l'ont précédée parmi lesquelles je crois que les gens se scindent, en gros, en deux catégories : ceux qui ont reçu un certain niveau d'instruction et accumulé une certaine culture qui sont l'un et l'autre suffisants pour s'intéresser à ce qui s'écrit et le déchiffrer et ils sont, au moins majoritairement, bilingues et ceux qui n'ont pas reçu telle instruction et accumulé telle culture.
A chances égales d'être lu et compris, que j'écrive en arabe ou en français, je me suis laissé opter pour la dernière de ces options, probablement à cause d'un itinéraire linguistique et culturel personnel qui n'est pas sans liens avec l'histoire récente d'un pays et d'un peuple, déterminismes qu'on assume sans nécessairement s'en enorgueillir. Naturellement, je peux me tromper dans mes appréciations tant objectives que subjectives. Quoi qu'il en soit, je n'exclus nullement l'éventualité de changer d'option pour peu que des faits ou des avis différents viennent me convaincre du contraire de ce que j'ai avancé ici. Si cela s'avère nécessaire et surtout utile, s'il apparaît que ce que j'écris n'intéresse seulement une poignée d'amis et de parents et qu'il serait plus accessible à ce public élargi s'il était rédigé en arabe "classique", voire même en dialectal, je n'hésiterai pas à changer de langue.
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