Parenthèse égyptienne... et peut-être pas seulement égyptienne

Je dédie cette chronique à un ami égyptien qui est un lecteur assidû de ce blog.

La nouvelle du jour, c'est celle qui vient de tomber il y a quelques instants de la chute de Moubarak. Bien sûr, il ne s'agit pas de verser des larmes sur cet autre dinosaure pourri. Il ne s'agit pas de jubiler non plus car, on l'a toujours su et on l'a encore vérifié récemment à travers l'exemple tunisien, le chef de l'état n'est que l'arbre qui cache la forêt. Lui parti, rien ou presque n'est encore fait pour nous permettre de préjuger de ce que sera l'Egypte (et la Tunisie) de demain et tout reste à faire pour essayer de contribuer à façonner ce lendemain si incertain. Ceci dit, ce n'est pas pour énoncer ce genre de lapalissades que j'ouvre cette parenthèse dans un blog réservé à l'expérience tunisienne (même si elle n'y est pas nécessairement étrangère) ni pour écrire sur le papier (virtuel) ce qui ne peut s'écrire que sur le terrain.

Dans la foulée de l'événement, cette chère Aljazeera s'est empressée de diffuser un communiqué du cabinet du prince (le sien) salué comme "la première réaction du monde arabe" où son altesse se félicite de ce développement et offre sa main tendue...

Loin de moi l'idée de minimiser le rôle des peuples en Tunisie et en Egypte ni d'adhérer sans réserves aux extraplations de Thierry Meyssan. Cela ne suscite pas moins certaines interrogations dans mon esprit. Wikileaks, les prises de position de l'administration américaine dignes par moments de celles des gouvernements des pays socialistes les plus audacieux et de la gauche européenne la plus radicale du deuxième tiers du vingtième siècle... Déjà, je n'ai toujours pas compris à ce jour la ligne politique d'aljazeera ou plutôt la stratégie qu'elle dessert et qui ne peut en aucun cas émaner des "aspirations légitimes des peuples" car ce ne sont pas ces peuples qui ont bâti ce formidable appareil de... propagande à coups de milliards. Mais, ce cher prince du Qatar, en quel honneur s'enthousiasme-t-il aujourd'hui ? Son pouvoir serait-il plus légitime que celui de Ben Ali ou Moubarak ? Est-il une émanation de la volonté populaire ? La notion même de "volonté populaire" est-elle envisageable dans ce genre de pays, que dis-je, celle de "peuple" même au sens classique du terme est-elle opératoire ?

Quels desseins invisibles, au moins à mes pauvres yeux, ils est vrai déjà fort déficients, dessert ce prince qui prône la démocratie, les libertés, l'état de droit partout dans le monde arabe sauf chez-lui et chez ses "homologues" ? Quelle cause sert-il celui qui fustige Israël tout en entretenant les meilleurs rapports du monde avec cet état, qui désigne du doigt les "valets arabes de l'impérialisme américain" tout en abritant la plus importante base de ces derniers dans la région,  qui joue les médiateurs entreprenants partout au moyen orient et au-delà, qui mène la vie dure à la corruption et aux corrompus et à ceux qui dilapident les richesses des peuples au détriment du développement et qui ne trouve pas mieux pour dépenser celles du sien (encore une fois, a-t-il vraiment un peuple ?) qu'en accueillant des rallyes de formule 1, des tournois de l'ATP, un match-exhibition de Tennis entre les deux meilleurs joueurs du monde payés à prix d'or... sur un cours flottant (!!) et, enfin (pour l'instant) à accueillir la coupe du monde de football (celle de hand également) qui sera disputée dans des stades... entièrement climatisés que l'on promet de démanteler par la suite pour ... les offrir à d'autres peuples (des vrais) en mal de développement...?

Je ne connais pas la réponse à toutes ces questions. J'espère surtout que les peuples de Tunisie, d'Egypte et d'ailleurs déjoueront celles cousues mains, éventuellement préparées de longue date. Mais, je mettrai ma main au feu s'il n'y a pas anguille sous roche.