Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Monday, February 14, 2011

La démocratie, ce mal aimé de tous ou presque

Comme son nom ne l'indique pas, la démocratie n'est pas "le gouvernement du peuple" et elle ne l'a jamais été. Il suffit de consulter un manuel sérieux d'histoire pour voir que la fameuse démocratie athénienne excluait de cet exercice "populaire" du pouvoir les femmes (toutes les femmes), les esclaves et les métèques (étrangers), le limitant ainsi aux seuls "citoyens", sachant que ne pouvait accéder à la citoyenneté que celui qui était né d'un père athénien et, à partir de 451 avant J.-C. suite à un amendement introduit par le fameux Périclès, seulement celui qui est né d'un père et d'une mère tous les deux citoyens athéniens (le même Périclès s'arrangera plus tard pour modifier la loi à nouveau afin d'accorder la citoyenneté à son fils né d'une mère métèque !).
Il est d'ailleurs remarquable que le siècle qui était censé marquer "l'âge d'or" de la "mère" des expériences démocratiques modernes fut nommé après un seul individu, le même Périclès pré-cité, et que cet individu domina la vie politique d'Athènes durant plus d'une trentaine d'années (règne bien plus long que celui de Ben Ali et comparable à celui de Mubarak !) pendant lesquelles il fut réélu 16 fois... Il suffit de jeter un coup d'œil rapide à droite et à gauche (en France, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis...) pour se rendre compte que les choses ne se sont guère amélioré depuis et que même si on ne voit plus le même homme gouverner le pays aussi longtemps, les hommes s'en vont et s'en viennent ainsi que les partis sans changement véritable...
Alors, ce mode de gouvernement souvent présenté comme un véritable eldorado politique apportera-t-il la solution à tous nos maux de société connus et brandis par les protestataires de toutes parts tous les jours et ceux moins connus et qui n'ont encore fait l'objet d'aucune publicité ? Rien n'est moins sûr, surtout quand on sait "d'où vient" ce pauvre peuple tunisien, quel niveau d'instruction il a, quelle expérience il a ou plutôt il n'a pas acquis au cours des longues décennies qui ont suivi l'indépendance et pendant lesquelles on lui a systématiquement laissé entendre qu'il valait mieux qu'il laisse les autres (un autre et quelques acolytes et sbires) s'occuper de ses affaires et gérer ses intérêts pour lui. Non la partie est loin d'être gagnée, mais on n'a pas de meilleure alternative. Aussi s'agit-il d'un mal, mais un mal nécessaire, parce que ce qu'il y a par ailleurs est simplement pire.
En fait, bientôt viendra le temps des élections (du moins, on l'espère) et on aura tout le loisir de vérifier que celui  ou ceux qui les remporteront ne seront pas nécessairement les mieux intentionnés à notre égard, qu'ils les auront remportées parce qu'ils savent mieux parler que d'autres, qu'ils auront deviné les promesses qui feraient le plus plaisir à entendre ou qui seront mieux à même d'exploiter certaines fibres sensibles de même que ceux qui sauront mobiliser les plus vastes moyens, qu'ils proviennent de leurs ressources propres ou de sources exogènes. Il serait donc naïf de croire que la démocratie est une compétition ouverte où le meilleur gagne et qu'il ne gagne qu'à la faveur de la libre volonté exercée par le peuple qui choisit ses gouvernants librement en pleine connaissance de cause. Loin s'en faut ! Seulement, ce que la démocratie peut avoir de bon c'est quand elle permet de faire en sorte que le plébiscite accordé ne l'est jamais que pour un pouvoir limité. Limité dans le temps et limité dans sa portée même. Peu importe qui sera élu au poste de président, qui aura à former le gouvernement, qui siègera au parlement et y aura la majorité. Ce qui importe, c'est qu'il ne soit jamais donné à l'un ou à l'autre un mandat ouvert à durée non-limitée (pour parler pudiquement) et ne lui soit jamais permis de transformer son propre mandat dans ce sens, quelle que soit la raison invoquée, qu'il soit l'élu de dieu ou le bienfaiteur du peuple, comme il importe d'instaurer autant de mécanismes de contrôle que possibles. Que ces aimables gens toujours bien intentionnés et beau parleurs à souhait soient déjà appelés à se contrôler les un les autres et qu'outre leurs contrôles respectifs réciproques, commutatifs et transitifs s'il le faut, soient doublés d'autres contrôles citoyens, par la presse, par les syndicats, par les associations et tout autre forum ou instance représentant tout ou partie du peuple et où les membres de ce dernier peuvent s'exprimer ! Il importe également de dresser les oreilles et se mettre sur la défensive, prêts à bondir, dès qu'un seul individu ou qu'un petit groupe plus ou moins nombreux commence à parler pour tous au nom de quelque chose ou de quelqu'un d'unique dont cet individu ou ce groupe serait comme par hasard dépositaire de la légitimité et la seule voix autorisée à l'exclusion de tous les autres , que cette entité soit désignée par le vocable du Peuple, de la Nation,  de la Vérité, de la Démocratie même ou encore de Dieu. La pluralité des voix, des visions, des intérêts mêmes est le meilleur rempart et le seul fiable contre le despotisme, la dictature et les abus de toute sorte.
Enfin ! Il est deux catégories de politiciens et d'apprentis politicien dont il faut se méfier comme la peste : les "démocratistes" et les "démocraticides". Si les premiers ont vocation à ériger la démocratie en nouvelle religion, une sorte de finalité (sacrée) en soi aux contours mal définis à farcir selon le goût et les besoins du moment, les derniers, probablement les plus dangereux et les plus redoutables, sont ceux qui jurent leur grand dieu qu'ils adhèrent résolument aux principes démocratiques et qu'ils ne feront rien pour s'opposer à la volonté du peuple. Oui, ils le font volontiers jusqu'à ce qu'ils accèdent au pouvoir le plus démocratiquement du monde, s'il le faut. Après... ? Vous ne perdez rien pour attendre ou encore comme le dit un proverbe bien de chez-nous, "le serment du muet est bien caché au fond de son cœur". Et gare à celui qui croit les bonimenteurs sur paroles ! S'il ne tenait qu'aux discours et aux promesses, monsieur Ben Ali aurait été le champion des démocrates ! Il suffit de se rappeler son fameux communiqué du matin du 7 novembre et de le comparer avec ce qui est réellement advenu depuis. Trahison, direz-vous, reniement, dérapage ? Absolument pas ! C'était tout à fait prévisible sauf pour les naïfs et les crédules. Il suffisait de voir l'histoire du bonhomme. D'ailleurs, quand bien même cette histoire aurait été différente, c'est une erreur impardonnable de se fier au bon vouloir d'un seul homme, qui qu'il soit, quand il s'agit de pouvoir et de politique. Parlant d'histoire, mais aussi de référents idéologiques, il en est de même de se fier au discours pro-démocratiques de ceux qui ont mis vingt ans à reconnaître avoir aspergé des humains d'acide et d'autres d'essence avant d'y mettre le feu ! Encore un dérapage isolé paraît-il qui n'engage pas l'ensemble d'un mouvement et de ses adeptes. Pour qui ne réalise pas l'horreur de ces actes, je l'invite simplement à réfléchir un instant et essayer de répondre à la question suivante : "Combien y a-t-il de personnes en ce monde que j'aspergerai volontiers d'acide si j'en ai l'occasion pour de vrai ? Qui sont ces personnes ?" Je ne sais pas pour vous, mais, moi, peut-être à cause de ma nature faible ou lâche ou tout ce que vous voulez, je n'en vois aucune, même pas Ben Ali ou sa femme ou le plus odieux des frères de cette dernière. Pourtant, dieu sait s'il y a des gens que je ne supporte pas, que je hais à mort même et que j'aimerais voir disparaître à jamais non sans avoir payé les maux qu'ils ont causés au prix cher...
Ceux qui ne veulent pas en faire un grand cas, ceux qui ne veulent pas se donner la peine d'interroger la pensée et les croyances où ces gentils nouveaux démocrates puisent leurs références et leurs idéaux, libre à eux ! On est bien dans un pays libre désormais, n'est-il pas vrai ? Qu'ils ne viennent pas dire trente ou quarante ans après (je serai mort et enterré entre temps) qu'ils ne savaient pas, ne pensaient pas ou ne pouvaient pas deviner que ces êtres pacifiques et bien discrets qui ne comptent pas se présenter aux élections présidentielles et/ou législatives, qui, s'ils le font, jureront la main sur le cœur qu'ils respecteront jusqu'au bout les règles du jeu démocratique et qui sont plus occupés pour l'instant à fermer les bordels et à "convaincre" les bonnes gens d'aller faire la prière avec eux, allaient édifier un régime au moins aussi monstrueux que celui qu'on vient ou plutôt qu'on essaye encore d'abattre !

1 comment:

  1. Malgré un optimisme parfois béat, il me semble que ceux que tu appelles bien "démocratistes" et "démocraticides" travaillent déjà main dans la main...

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