Maintenant que l'ex-président est parti, tout reste à faire et personne ne sait comment cela va se faire ni qui exactement va en décider, dans quelles circonstances et selon quelles modalités les décisions en question vont être prises.
La première mesure concernant le transfert des charges de la présidence de la république a déjà suscité un vif débat sur la constitutionnalité de la démarche et l'applicabilité de tel ou tel article. Mais quel homme de bon sens, quel acteur loyal et sincère des événements présents est disposé à prendre toute la constitution au sérieux et, surtout, à s'y référer pour nous indiquer le chemin à suivre dans les premiers pas de la "nouvelle république" ou même pour régler la "transition" ? Cette constitution écrite dès le départ pour accommoder certaines données de la scène politique de l'époque de l'indépendance et depuis successivement remaniée, manipulée et réajustée pour convenir aux besoins de plus en plus personnels et circonstanciels au point d'aller comme un gant au dictateur en place, comment peut-on l'interroger aujourd'hui sur les circonstances et modalités de passation du pouvoir en cas de vacance ? Mais, plus important encore sinon salutaire, comment saurait-on esquisser le moindre plan d'avenir, à commencer par les prochaines élections, sous son égide ? Si l'on nous dit qu'il faut continuer de l'appliquer jusqu'à la mise en place des nouvelles structures de gouvernement et pour cette même mise en place et après on verra, cela voudra dire que les dés seront pipés dès le départ. Si l'on veut éviter une telle supercherie, alors il faudra commencer par régler son sort à cette constitution-chiffon et en adopter une autre digne de son nom. Mais une entreprise d'une telle ampleur; si elle se veut sérieuse, ne se liquide pas en deux semaines et, d'abord, qui va s'en charger ? La réponse évidente ou, du moins, la plus censée est une assemblée constituante. Mais, alors, qui va la constituer et sur quelles bases ?
Après la question du cadre juridique suprême de référence qui n'élimine pas pour autant celle des autres cadres juridiques intermédiaires et ne fait tout au mieux que l'ajourner, se pose la question des hommes. On a pour président de la république ad interim un président d'une assemblée nationale illégitime parce qu'issue d'une mascarade d'élections et non du suffrage universel dûment exprimé. Le président du conseil constitutionnel qui en a entériné la désignation ainsi que l'ensemble de ses collègues membres de ce conseil et le président de la soi-disant assemblée consultative, ancien bourreau notoire, qui était là dès les premières images pour signifier sa bénédiction silencieuse, ont tous été nommés comme leurs organes respectifs ont été créés et façonnés par le président déchu. Comment peut-on s'en remettre à tout ce beau monde pour gérer la transition, voire pour la diriger ?
Une autre question concerne les faux partis, à commencer par le principal d'entre eux, celui qui a servi à la fois de caisse de résonance, d'appareil d'embrigadement et de propagande et de police parallèle à monsieur Bourguiba puis à Ben Ali et qui est pourri jusqu'à la moelle. Quel sort lui sera réservé à l'avenir, mais déjà quel traitement à présent ? Sera-t-il associé au gouvernement de transition ? On penserait qu'il l'est déjà de facto en la personne du chef de ce gouvernement. Mais quid de son rôle et sa place dans les prochaines élections ? Ne faudrait-il pas en proclamer de prime abord la dissolution immédiate comme acte symbolique même si l'on sait que ses caciques ne manqueront pas de se rassembler sous une nouvelle bannière ? Là, au moins, ils seront dépossédé de leur prééminence et leurs privilèges et leur (nouveau) parti sera traité comme tous les autres partis. La question vaut également pour ces pseudo partis créés de toutes pièces par le président enfui pour meubler sa comédie démocratique, si bien que certains n'avaient pas trouvé mieux comme thème de leurs "campagnes électorales" lors de soi-disant élections présidentielles que d'appeler à l'élection... de monsieur Ben Ali. J'ai personnellement vu au moins deux des "chefs" de ces pseudo partis défiler à la télévision tunisienne la veille du départ de Ben Ali et immédiatement après pour faire entendre leurs voix et nous parler d'"agenda politique", de même qu'ils n'ont pas été oubliés lors des consultations menées par monsieur Ghannouchi...
Toutes ces questions appellent des réponses urgentes pour savoir où l'on va exactement et pour que la révolution de 2011 ne soit pas un mort-né. Il en est bien d'autres non moins importantes. Mais, je me contenterai de celles-ci pour le moment.
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