Ce terme bien connu des amateurs de retransmissions d'événements sportifs à la télévision est ce qu'il y a de mieux indiqué pour décrire le mode de fonctionnement du premier gouvernement tunisien après le départ de monsieur Ben Ali.
Jugez-en par vous-mêmes !
On parle de retransmission "en différé" d'un match de foot par exemple lorsque ce match commence à 21 heures et qu'il n'est diffusé qu'à partir de minuit ou 23 heures (donc, pratiquement lorsqu'il est déjà terminé) ou alors à 22 heures (dans ce dernier cas, on parle de "léger différé"). Le premier de la longue série de "différés" qui a jalonné la semaine écoulée remonte au premier acte politique sanctionnant le départ de l'ex-président. Il aura, en effet, fallu à ses exécuteurs testamentaires attendre près de vingt heures pour découvrir qu'en fait, c'était l'article 57 de la constitution, non l'article 56, qui s'appliquait au cas d'espèce et que c'était au président de l'assemblée nationale d'assurer l'intérim de la présidence de la république, plutôt qu'au premier ministre.
Deux jours après, c'était au tour des représentants de "l'opposition" et de "la société civile" associés au "gouvernement d'unité nationale" d'avoir voie au chapitre et de goûter aux douceurs du différé lorsqu'ils ont mis à leur tour un temps comparable à celui marqué par leurs prédécesseurs dans cet exercice à découvrir que le gouvernement comprenait des ministres dont ils ne voulaient pas et à qui pour rien au monde ils ne voulaient voir leurs noms associés.
Dans cette course à qui mieux mieux, les héros du premier jour revinrent à la charge pour annoncer leur démission de ce qui était devenu le parti de la honte.
On ne sait pas si ce sera le dernier de la série, mais le différé qu'on vient de nous offrir est de loin le plus beau. Aujourd'hui, une semaine jour pour jour après la fuite de Ben Ali et que la dernière victime de la répression qui s'est abattue sur les frondeurs soit morte et enterrée, une semaine entière marquée par maintes célébrations de la victoire du peuple, de la libération du pays du joug du dictateur et de l'harmonie nationale retrouvée, ne voilà-t-il pas que nos valeureux nouveaux gouvernants se souviennent tout d'un coup de ces pauvres bougres qui ont péri, payant de leurs vies, pour qu'en en soit tous là, et décrètent un deuil national de trois jours à la mémoire des regrettés martyrs, puissent leurs âmes reposer en paix et puissions nous ne pas leur emboîter le pas en succombant aux coups de boutoir du ridicule qui viendrait enfin prendre sa revanche sur la rhétorique en démentant une fois pour toutes le célèbre adage.
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