S'il est vrai que, comme j'ai pu parfois le laisser entendre et que tout lecteur attentif de ce blog n'aura pas manqué de le comprendre, je suis de nature à me méfier des articles définis en général, il est des contextes où, au delà de cette simple méfiance, je répugne totalement à les utiliser et celui-ci en est un. Néanmoins, je crains que cette aventure "blogosphérique" ne soit arrivée à son terme. Lancé une heure ou deux après le fameux discours de Ben Ali dans la soirée du 13 janvier 2011 (j'avais juste pris le temps de voir l'émission concoctée à la hâte par Sami El-fehri) et quelques heures seulement avant sa fuite, ce blog est né d'un coup de tête et était d'abord conçu comme un coup de gueule après cinquante ans de silence et de vie tranquille d'un citoyen totalement rangé ou presque (en tout cas qui n'a jamais pris le parti de s'opposer publiquement au régime en place en actes ou en paroles, alors qu'il avait toutes les raisons éthiques et philosophiques de le faire). A ce moment-là, je n'étais même pas sûr de la chute de Ben Ali, sans parler du fait que telle chute pût être si imminente. J'avais seulement compris que, pour la première fois depuis 33 ans (en novembre 77-janvier 78, j'avais à peine vingt ans), j'étais en train d'assister à un soulèvement populaire général, et qu'à la différence des précédents, celui-là était en train d'ébranler les bases du régime en place et d'affoler ses tenants. Les expériences passées incitaient à modérer les attentes et à donner cher de la peau de ces requins. Mais une opportunité historique s'offrait pour voir autre chose et les gens étaient en train de payer le prix fort pour en faire une réalité. D'où mon choix de rompre le silence et de prendre cette part que je savais trop modeste à ce qui se passait. Mon action était condamnée à être limitée dans sa teneur et sa portée comme je n'ai pas manqué de le souligner de prime abord. Il s'agissait d'abord de m'exprimer, en témoin attentif et concerné mais distant, sur ce qui se passait. Or, témoigner n'est pas participer. D'ailleurs, comment peut-on participer quand on est ailleurs ? Même s'il fallait s'en tenir au facteur spatial, la distance était une raison suffisante pour rendre une implication directe impossible. Il y a bien des gens que cet éloignement n'a pas empêché de prendre une part (réellement ou conçue par eux-mêmes comme) plus active aux évènements. Il y en a même qui sont devenus des acteurs directs, parfois même principaux, rien qu'en s'exprimant, faisant étalage de leurs états d'âme, de leur pseudo-savoir et leur pseudo-engagement politique, même s'il est vrai que le seul fait de s'exprimer ne suffit pas s'il n'est pas au moins accompagné de quelques ficelles qu'on tire judicieusement... Mais ce n'était point mon cas. Même si mes écrits sont éminemment politiques, ils n'étaient jamais conçus comme une forme d'action politique. A aucun moment n'a-t-il été question que je propose une alternative politique ou que je m'inscrive dans une déjà existante. Individualiste à l'extrême, de nature profondément sceptique, rebelle à tout modèle de pensée ou d'action préconçue, hostile aux compromis et autres arrangements tactiques ainsi qu'à la loi du nombre, mes handicaps sont trop nombreux pour que je puisse envisager un jour une quelconque carrière politique. Ensuite, le choix du support (je ne suis même pas membre ni de facebook ni de twitter), du mode d'écriture et de la langue, tous des choix parfaitement conscients et assumés, condamnait ces écrits à n'avoir qu'une diffusion très limitée, presque confinée au seul cercle des amis et des connaissances et de quelques curieux qui pouvaient y être amenés par ces derniers ou par le simple hasard....
C'est dans ce même cadre que s'inscrit ma décision de mettre un terme à cette démarche.
Cette décision procède de deux constatations et d'une préoccupation. La première constatation est qu'en dépit des larges attentes suscitées par les évènements de l'hiver 2011 et de l'espoir d'une vraie dynamique de changement et de mutations profondes au sein de la société qui touchent les modes de penser et d'agir et qui aillent bien au-delà d'un changement de façade se limitant au seul régime politique voire même aux noms qui peuplent ce régime, c'est à peine si l'on a vu quelques balbutiements dans ce sens telles ses manifestations de responsabilité et d'implication civiques et ces élans de solidzarité et d'entraide qui ont caractérisé les premières semaines ou tout au plus les premiers mois. A part ces ébauches d'initiatives et de mouvements collectifs demeurés timides et somme toute ponctuels, l'on n'a pas vu éclore les cent fleurs de la révolution en tant qu'éveil des esprits, dessillement des yeux, déliement des langues, dépêtrement des moules tout faits qui déterminent la façon d'agir et de penser des gens. Il n'est d'ailleurs qu'à constater la maigreur symptomatique de la moisson culturelle, artistique et intellectuelle de cette révolution pour voir à quel point elle a été stérile. Il n'est même pas question de se demander combien de troupes de théâtre, de groupes musicaux, d'artistes, de cinéastes, d'écrivains, de journaux valables ou juste intéressants elles nous a donné. Même si on limitait la question à combien de pièces, de films, de livres..., je ne pense pas que la réponse serait très réconfortante.
Je ne parle pas de la politique au sens le plus étroit, entendue au sens de mouvements, de partis, de thèmes et de débats. Là, on savait d'emblée, vu l'état des lieux avant le 14 janvier, qu'il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Un état des lieux dont la principale marque est le vide. Un vide certes créé et entretenu par les gouvernants successifs de Bourguiba à Ben Ali qui étaient tous deux farouchement hostiles à tout semblant de mouvement, à tout frémissement qui pût constituer l'ombre d'une menace contre leur mainmise totale sur le pays et ses gens et qui se sont employé, chacun à sa façon, à maintenir cette affreuse vacuité. Mais, chez ceux qui ont eu le grand mérite de résister peu ou prou à cette terreur de l'absurde, même si leur mérite est indéniable et qu'il leur en coutât cher de s'y essayer, point de projet politique authentique, mûr et crédible. Point même de programme réel. et donc point d'ancrage populaire préalable, préparé ni même envisageable. Seuls les islamistes... !
Le résultat, on le connait. Non seulement, le tableau est-il déjà suffisamment sombre, mais il risque de l'être davantage dans les semaines et les mois à venir. L'étape islamiste ne fait que commencer et tous mes lecteurs savent ce que je pense de l'islamisme et des islamistes. Or, le pire de ce que cette étape peut nous apporter est encore à venir. On me dira avec raison, c'est justement là qu'on doit être plus présent et plus actif que jamais si l'on prétend avoir un tant soit peu de clairvoyance, de lucidité et d'intérêt pour le sort des gens et du pays. Comme il est facile de s'exprimer et d'élever la voix lorsque tout le monde le fait ou peut le faire et que rien ni personne n'est là pour vous en empêcher, en somme, lorsque le risque est nul ! S'il est un moment où critiquer, dévoiler, dénoncer devient important, voire même vital et en tout cas salutaire pour la dignité de l'individu et pour le bien de la collectivité, c'est celui où cela devient impossible sans que l'on aie à payer un prix qui peut être cher, très cher, même prohibitif. C'est ce que d'autres ont fait au cours des cinquante années qui ont précédé le 14 janvier 2011. Beaucoup d'autres. Et je n'ai malheureusement pas l'honneur d'en avoir fait partie. Beaucoup y ont laissé leurs peaux. D'autres y ont laissé des lambeaux de peau (c'est plus approprié que "des plumes"). Quelques uns occupent des postes de responsabilité, parfois importants. Les autres continuent de faire plus ou moins bien ce qu'ils ont toujours fait.
Ceci dit, je ne renie rien de ce que j'ai pu écrire au cours des quatorze mois passés. J'assume jusqu'à la moindre ligne, jusqu'au moindre mot. Aussi ai-je l'intention de garder la matière déjà publiée ici en ligne autant que le serveur le permettra. C'est ma modeste façon d'échapper à la médiocrité et à la lâcheté pure. Si je ne puis prétendre à la gloire des grands et à la noblesse des nobles, j'aurai au moins gardé ce petit lambeau de dignité qui nous permet de regarder au fond de nous-mêmes et ne pas avoir honte.
Même si mûrement réfléchie, la décision n'a guère été facile. Il me suffit de d'avouer que le premier jet de ce texte a été rédigé il y a deux semaines et que j'ai entre temps publié pas moins de trois articles qu'on peut difficilement qualifier de diplomatiques ou de prudents. Mais il y a un moment où il faut savoir trancher dans un sens ou dans l'autre.
Mon dernier mot sera un mot de remerciement et de gratitude à tous ceux qui ont été fidèles à cette page et qui m'ont prodigué leur soutien et leurs encouragements. Leur écoute et leur intérêt m'étaient particulièrement précieux. Sans eux, cette entreprise aurait été totalement absurde du début à la fin et simplement inutile. J'ose croire que cela n'a pas été tout à fait le cas.
C'est dans ce même cadre que s'inscrit ma décision de mettre un terme à cette démarche.
Cette décision procède de deux constatations et d'une préoccupation. La première constatation est qu'en dépit des larges attentes suscitées par les évènements de l'hiver 2011 et de l'espoir d'une vraie dynamique de changement et de mutations profondes au sein de la société qui touchent les modes de penser et d'agir et qui aillent bien au-delà d'un changement de façade se limitant au seul régime politique voire même aux noms qui peuplent ce régime, c'est à peine si l'on a vu quelques balbutiements dans ce sens telles ses manifestations de responsabilité et d'implication civiques et ces élans de solidzarité et d'entraide qui ont caractérisé les premières semaines ou tout au plus les premiers mois. A part ces ébauches d'initiatives et de mouvements collectifs demeurés timides et somme toute ponctuels, l'on n'a pas vu éclore les cent fleurs de la révolution en tant qu'éveil des esprits, dessillement des yeux, déliement des langues, dépêtrement des moules tout faits qui déterminent la façon d'agir et de penser des gens. Il n'est d'ailleurs qu'à constater la maigreur symptomatique de la moisson culturelle, artistique et intellectuelle de cette révolution pour voir à quel point elle a été stérile. Il n'est même pas question de se demander combien de troupes de théâtre, de groupes musicaux, d'artistes, de cinéastes, d'écrivains, de journaux valables ou juste intéressants elles nous a donné. Même si on limitait la question à combien de pièces, de films, de livres..., je ne pense pas que la réponse serait très réconfortante.
Je ne parle pas de la politique au sens le plus étroit, entendue au sens de mouvements, de partis, de thèmes et de débats. Là, on savait d'emblée, vu l'état des lieux avant le 14 janvier, qu'il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Un état des lieux dont la principale marque est le vide. Un vide certes créé et entretenu par les gouvernants successifs de Bourguiba à Ben Ali qui étaient tous deux farouchement hostiles à tout semblant de mouvement, à tout frémissement qui pût constituer l'ombre d'une menace contre leur mainmise totale sur le pays et ses gens et qui se sont employé, chacun à sa façon, à maintenir cette affreuse vacuité. Mais, chez ceux qui ont eu le grand mérite de résister peu ou prou à cette terreur de l'absurde, même si leur mérite est indéniable et qu'il leur en coutât cher de s'y essayer, point de projet politique authentique, mûr et crédible. Point même de programme réel. et donc point d'ancrage populaire préalable, préparé ni même envisageable. Seuls les islamistes... !
Le résultat, on le connait. Non seulement, le tableau est-il déjà suffisamment sombre, mais il risque de l'être davantage dans les semaines et les mois à venir. L'étape islamiste ne fait que commencer et tous mes lecteurs savent ce que je pense de l'islamisme et des islamistes. Or, le pire de ce que cette étape peut nous apporter est encore à venir. On me dira avec raison, c'est justement là qu'on doit être plus présent et plus actif que jamais si l'on prétend avoir un tant soit peu de clairvoyance, de lucidité et d'intérêt pour le sort des gens et du pays. Comme il est facile de s'exprimer et d'élever la voix lorsque tout le monde le fait ou peut le faire et que rien ni personne n'est là pour vous en empêcher, en somme, lorsque le risque est nul ! S'il est un moment où critiquer, dévoiler, dénoncer devient important, voire même vital et en tout cas salutaire pour la dignité de l'individu et pour le bien de la collectivité, c'est celui où cela devient impossible sans que l'on aie à payer un prix qui peut être cher, très cher, même prohibitif. C'est ce que d'autres ont fait au cours des cinquante années qui ont précédé le 14 janvier 2011. Beaucoup d'autres. Et je n'ai malheureusement pas l'honneur d'en avoir fait partie. Beaucoup y ont laissé leurs peaux. D'autres y ont laissé des lambeaux de peau (c'est plus approprié que "des plumes"). Quelques uns occupent des postes de responsabilité, parfois importants. Les autres continuent de faire plus ou moins bien ce qu'ils ont toujours fait.
فمنهم من قضى نحبه ومنهم من ينتظر وما بدّلوا تبديلا
Etre le dernier à relever la tête lorsque les jeux étaient presque faits et qu'il n'y avait plus le moindre risque à le faire, surtout là où je suis, et être le premier à la rentrer dans les épaules, à peine un peu plus d'une année plus tard, lorsque le danger ne fait que pointer à l'horizon sans avoir entre temps subi la moindre agression physique ou verbale, la moindre menace, je ne (me) le cache point, n'admet que des qualificatifs peu reluisants : opportuniste, traître, lâche. Je ne tiens pas à m'en défendre et je ne chercherai pas à me disculper de toutes ces tares, ne serait-ce que parce qu'il y a au moins deux principes que je me suis toujours efforcé de respecter scrupuleusement autant qu'humainement possible et qui sont la sincérité et l'honnêteté. Je dirai seulement que je crains que la disproportion entre l'impact possible de ce que j'écris dans ce blog et le risque auquel je m'expose ne devienne de plus en plus grande et qu'elle ne franchisse bientôt la limite du raisonnable. Je ne crois pas en la démocratie des "frères" ni en leur tolérance et leurs "droits de l'homme" pas plus que je ne crois en la liberté sous les auspices d'un gouvernement d'islamistes quels que soient leurs noms et qui que soient leurs présidents de la république et de l'assemblée ou l'identité de leurs alliés et partenaires en général. Il n'est pas loin le jour où l'emprisonnement de tel journaliste, le tabassage de tel autre, la prise à parti de tel activiste ou cyber-activiste ne seront plus des incidents isolés ou le fait "d'éléments incontrôlés". Or, si je sais que je ne risque pas d'être en tête des cibles avec mon blog obscur qui fait à peine une vingtaine de visites par jour, je sais tout aussi bien que viendra un jour où l'on ne fera plus de quartier pour tout ce qui bouge et je sais ce que mes écrits peuvent représenter aux yeux d'un islamiste qui est au pouvoir ou qui a la bénédiction de ce dernier. S'il faut affronter les conséquences extrêmes que cela pourrait engendrer, autant s'impliquer dans une véritable action politique digne de ce nom. Pour diverses raisons dont j'ai déjà évoquées quelques unes, je n'ai pas fait ce choix et je ne suis pas près de le faire. Contre la barbarie, il n'y a pas de demi mesures. Soit on choisit de la combattre et l'on se joint à la mêlée ; au moins si l'on est tué ou estropié, on l'aura cherché et ç'aura été pour la bonne cause. Soit l'on se retire chez-soi et l'on ferme sa porte... et sa gueule. Mais on ne continue pas d'aboyer dans un étouffoir.Ceci dit, je ne renie rien de ce que j'ai pu écrire au cours des quatorze mois passés. J'assume jusqu'à la moindre ligne, jusqu'au moindre mot. Aussi ai-je l'intention de garder la matière déjà publiée ici en ligne autant que le serveur le permettra. C'est ma modeste façon d'échapper à la médiocrité et à la lâcheté pure. Si je ne puis prétendre à la gloire des grands et à la noblesse des nobles, j'aurai au moins gardé ce petit lambeau de dignité qui nous permet de regarder au fond de nous-mêmes et ne pas avoir honte.
Même si mûrement réfléchie, la décision n'a guère été facile. Il me suffit de d'avouer que le premier jet de ce texte a été rédigé il y a deux semaines et que j'ai entre temps publié pas moins de trois articles qu'on peut difficilement qualifier de diplomatiques ou de prudents. Mais il y a un moment où il faut savoir trancher dans un sens ou dans l'autre.
Mon dernier mot sera un mot de remerciement et de gratitude à tous ceux qui ont été fidèles à cette page et qui m'ont prodigué leur soutien et leurs encouragements. Leur écoute et leur intérêt m'étaient particulièrement précieux. Sans eux, cette entreprise aurait été totalement absurde du début à la fin et simplement inutile. J'ose croire que cela n'a pas été tout à fait le cas.
No comments:
Post a Comment