Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Saturday, January 15, 2011

Voeux impies

Ces voeux ne sont pas du tout pieux dans l'intention de leur auteur qui n'en est pas moins conscient que les actes humains, y compris les professions de foi, ne se déterminent pas par les intentions qui les animent, sans parler du fameux chemin pavé de bonnes intentions..
Si je parle simplement de voeux et ni de revendications ni même de demandes, c'est que, de par mon statut de simple ressortissant tunisien qui n'a pas apporté la moindre contribution à ce mouvement ni consenti le moindre sacrifice pour mériter ses acquis, je n'estime pas avoir d'autre droit que celui de formuler des voeux.
Le premier de ces voeux, c'est qu'il soit permis et d'abord rendu possible que le peuple tunisien participe de manière réelle et effective à façonner l'avenir immédiat et celui plus lointain du pays. Qu'on ne lui dise surtout pas : "Vous avez fait votre part. Vous avez renversé le président. Maintenant, on vous remercie. Rentrez chez-vous ! On va s'occuper de la suite pour vous." !
Un tel discours est à refuser catégoriquement et à combattre, de quelque part qu'il vienne, de la part de quiconque a contribué activement au maintien de l'ancien régime ou encore d'un quelconque personnage ou groupuscule d'opposition, fût-elle purement cosmétique, de convenance ou de bonne conscience.
Je ne souhaite pas voir une chasse aux sorcières ni de guillotines révolutionnaires et autres lynchages publics. Il suffira que tous ceux qui ont opprimé ce peuple et l'ont soumis à un pillage en règle soient présentés à la justice et amenés à rendre des comptes et, surtout, à rendre à tous les spoliés ce qui leur appartient. Mais, de grâce, qu'on nous épargne l'indécence des retournements de vestes. Qu''il ne soit pas permis à tous ceux qui ont été peu ou prou associés au gouvernement du pays au cours des décennies passées d'être parmi ceux qui veilleront désormais aux destinées de ce même pays. Il n'est naturellement pas question ici des fonctionnaires salariés de tel ou tel organisme, mais des ministres, hauts responsables, députés, gouverneurs et autres officiels. Il en est de même des thuriféraires de tout acabit qui mangent à tous les râteliers et sont toujours prêts à chanter les louanges des nouveaux seigneurs et à jeter l'anathème sur les rois morts. Qu'il ne leur soit pas permis de venir nous servir leurs sermons pathétiques mis au diapason du jour après nous avoir pendant si longtemps seriné leurs discours lénifiants ridiculement mensongers et hypocrites.
Le plus dur commence aujourd'hui. Le peuple qui s'est soulevé et a abattu le tigre en papier était uni dans ce soulèvement et unanime sur ce dont il ne voulait plus. Or, maintenant, il s'agit de définir ce qu'il veut et, là-dessus, impossible d'avoir l'unanimité ou d'aspirer à une quelconque unité. La réponse à cette question ne peut être que plurielle et le mieux auquel on puisse aspirer, c'est une unité a minima où il s'agira de chercher à définir un ensemble de principes, d'idéaux, d'idées sur lequel, sinon le peuple tout entier, du moins sa majorité la plus large puisse se mettre d'accord.
Il y aura bien sûr un gouvernement de transition. Des partis existants et prohibés, marginalisés ou nouveaux encore à créer seront légalisés. Des élections seront tenues. Un nouveau parlement élu et un nouveau gouvernement mis en place... On l'espère. Mais, ce n'est pas ce qui importe le plus aujourd'hui, à mon humble avis.
Le peuple tunisien au sens historique et politique du mot peuple en tant qu'entité collective, acteur de l'histoire et maître de son destin, est un nouveau-né à peine sorti des fonts baptismaux. C'est à peine s'il a lancé son premier cri et il cligne encore des yeux dans l'éblouissement de la première sortie à la lumière du jour.  Il a encore besoin d'apprendre d'abord à être en tant que tel avant d'entamer son long et douloureux apprentissage de l'existence. Ce n'est qu'au bout de cet apprentissage qu'il saura exercer pleinement ses droits électoraux. Pour faciliter cet apprentissage et le rendre d'abord possible dans un pays dévasté par la politique de la terre brûlée où seul le vide est, vide politique, vide institutionnel, vide associatif, vide intellectuel et culturel, ce dont on a le plus besoin aujourd'hui, ce sont d'abord des espaces de liberté, des forums où le peuple puisse s'exprimer librement, dire ses craintes, ses souhaits, discuter de ses problèmes. En un mot, exercer la première activité à la base d'une véritable vie citoyenne et le fondement de toute démocratie, à savoir une pensée et une parole libres.
Ensuite, il faut redonner vie aux structures représentatives de revendication, d'action et de contestation que sont les syndicats et les associations estudiantines, d'avocats, de juges, de journalistes et autre ligue des droits de l'homme. Autant de forums susceptibles de servir de cadre initial pour la réflexion et l'action, de lieux d'apprentissage et d'instances de contrôle.
Une fois ces instances restaurées et libérées, la presse démuselée et revitalisée, le peuple tunisien pourra peu à peu au sein de ces instances assimiler les principes et les modalités de la vie citoyenne et apprendre à former une opinion informée et à la faire entendre de même qu'il pourra exercer à travers elles son devoir de vigilance et son droit de contrôle pour qu'on n'ose plus le déposséder de ce qui lui appartient, à commencer par sa destinée.

No comments:

Post a Comment