C'est le deuxième du genre en l'espace de quelques jours, celui-ci intervenant presque un mois jour pour jour et un chiffre indéterminé, mais certes important, de morts, sans parler des mutilés et des blessés de toutes sortes, depuis le déclenchement des événements.
Qui a fait exactement quoi pendant ces quatre semaines ? On ne saurait le dire. Le tunisien ordinaire ne peut s'y hasarder sans risque d'erreur par excès ou par défaut. Mais, vous, monsieur le président, de par votre métier même de président et votre statut de tunisien numéro 1, omniscient et omnipotent ou supposé l'être, vous êtes censé le savoir. C'est votre métier de savoir et pas seulement, mais également de faire et de défaire.
Pourquoi donc avoir mis si longtemps à comprendre si vous avez vraiment compris ? S'il serait naïf d'attendre de la politique qu'elle s'embarrasse de vérité, de droiture ou d'honnêteté, il est en revanche une chose qui est dans son essence même. C'est l'intelligence, soit, en d'autres termes, justement, la faculté de comprendre. Un politicien, un bon, est toujours appelé à comprendre à temps, si possible, avant tous les autres communs des mortels. Autrement, il court à une mort certaine, sinon physique, du moins symbolique, dans son état même de politique.
Pourquoi donc avoir mis si longtemps à comprendre si vous avez vraiment compris ? S'il serait naïf d'attendre de la politique qu'elle s'embarrasse de vérité, de droiture ou d'honnêteté, il est en revanche une chose qui est dans son essence même. C'est l'intelligence, soit, en d'autres termes, justement, la faculté de comprendre. Un politicien, un bon, est toujours appelé à comprendre à temps, si possible, avant tous les autres communs des mortels. Autrement, il court à une mort certaine, sinon physique, du moins symbolique, dans son état même de politique.
Et que nous vaut cette compréhension tardive ?
De vagues promesses : cessation des tirs, relaxe des personnes arrêtées sauf pour ceux qui ont commis "des actes de vandalisme", "liberté totale de la presse et d'internet", "concrétisation de la démocratie et du pluralisme", "baisse des prix des denrées alimentaires essentielles", non présentation aux élections présidentielles en 2014, enquêtes et sanction des responsables de la corruption et de la répression, révision du code électoral et de celui de la presse.
Je crois ne rien avoir oublié.
Permettez-moi de vous prendre au mot et dire ce que je pense tout haut et sans détour. Tant pis pour moi si vous me trompez.
Des analystes, activistes et autres hommes politiques "de l'opposition" (comme si on en avait) se sont (presque) tous félicités de ces promesses tout en s'inquiétant des "garanties" pour leur mise en oeuvre. Mais avant d'en arriver là, ne convenait-il pas de s'interroger sur la crédibilité et le sérieux de ces promesses ? Pour en avoir un tant soit peu, il aurait fallu qu'elles consistent en des décisions claires soutenues par un calendrier précis avec des dates et des délais. Tenez ! Relisez (et que ces commentateurs avertis relisent) votre discours du matin du 7 novembre 1987 et comparez les promesses qu'il contenait à celles que vous venez de nous servir ! Vous verrez que celles d'aujourd'hui "n'arrivent pas à la cheville" de celles d'il y a vingt trois ans qui n'ont, d'ailleurs, jamais été tenues ! L'une des toutes dernières ressemble étrangement à du "déjà entendu". Quand avez-vous cessé de nous promettre de concrétiser la démocratie et le pluralisme ? En quoi cette même phrase prononcée aujourd'hui va-t-elle différer de celle répétée des dizaines, voire des centaines, de fois au cours des vingt dernières années, notamment à l'approche de chaque élection ? Pourquoi devrait-on croire que cette fois-ci sera la bonne ?
Vous auriez pu nous annoncer une amnistie générale pour tous les détenus politiques et les prisonniers d'opinion, la tenue d'élections générales véritablement démocratiques dans six mois ou un an, la dissolution du gouvernement et du parlement qui ne sont pas représentatifs, la formation d'un gouvernement de transition pour préparer les élections tout en gérant la transition et les affaires courantes, l'élection ou la formation concertée d'une assemblée constituante pour rendre à la constitution sa valeur symbolique et sa portée réelle et en même temps réviser les codes que vous avez promis de réviser, non "une commission nationale". Enfin, vous auriez pu annoncer votre départ du pouvoir, immédiat ou différé.
Quant à la commission d'enquête et au fait de demander des comptes aux fautifs et aux responsables, n'avez-vous vraiment pas même une petite idée de qui ces derniers peuvent être pour ne pas commencer tout de suite à redresser les torts, sans avoir à attendre le travail de ladite commission ?
Laissons de côté la corruption pour laquelle tout le monde sait (Est-il humainement possible que vous soyez le seul à ne pas savoir ?!) et arrêtons-nous seulement à la responsabilité des récents événements, sans parler des libertés jusqu'ici bridées et que vous nous promettez de nous rendre, ainsi que de la démocratie que vous vous proposez d'élever au rang des faits et qui n'a jamais jusqu'à ce jour dépassé le niveau du discours.
Qui d'autre peut-il en être responsable à part l'ensemble de votre appareil de gouvernement (ministres, gouverneurs, préfets de police...) et... vous-mêmes qui êtes à la tête de cet appareil et que personne de tout ce beau monde ne peut prendre la moindre décision ni esquisser le moindre geste sans avoir consulté si ce n'est sans des instructions expresses de votre part ? N'est-ce pas là la formule consacrée des moyens d'information chez-nous ? A longueur d'années, chaque acte, chaque discours de l'un de vos ministres ou mêmes de simples responsables administratifs était systématiquement sanctionné par votre bénédiction préalable. Il ne fut pas une seule phrase décrivant ces faits et gestes qui ne commençât par l'inévitable locution "Sur instruction du chef de l'état,...". Comment pouvez-vous sérieusement promettre de demander des comptes aux responsables sans commencer par en rendre vous-mêmes ?
Nous tunisiens, on est bien naïfs. Certes. On l'est assez et on a suffisamment bons cœurs pour être capables de faire de vous volontairement et spontanément un champion et un héros si vous nous aviez offert même quelques unes des décisions énumérées ci-dessus. Vous auriez pu nous faire oublier peut-être même tous les maux, toutes les tares, à commencer par les promesses non tenues des vingt-trois ans passés. A-t-on de si bons cœurs qu'on saura se contenter de la si pauvre pitance que vous nous avez jetée ? Est-on assez naïfs pour vous croire ?
Seul l'avenir (probablement proche) nous le dira comme il nous dira si l'on aura eu raison de le faire. Plus particulièrement, en ce qui concerne mon humble personne, il me dira si je n'aurai pas été avec toute ma prose, mon éventuelle éloquence et ma prétendue intelligence, le roi des naïfs.
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