L'annonce de monsieur Ghannouchi soulève plus d'une interrogation.
D'abord, il parle d'"incapacité provisoire" du président de la république à assumer ses fonctions et déclare en conséquence assumer lui-même ces charges à titre provisoire. Qu'est-ce que cela signifie ?
Provisoire jusqu'à quand ? En attendant quoi ?
Monsieur Ben Ali dont on dit qu'il a déjà quitté le pays, a-t-il quitté le pouvoir ou non ?
La question est d'autant plus pertinente que le premier ministre a promis la mise en œuvre des "réformes politiques, économiques et sociales qui ont été annoncées". Quelles réformes annoncées par qui ? A notre connaissance, la seule instance à laquelle cette vague formule peut renvoyer est le dernier discours télévisé du chef de l'état le soir du 13 janvier. Si monsieur Ghannouchi prend le témoin à titre provisoire, comme il a tenu lui-même à le souligner à deux reprises, jusqu'à ce que la situation se décante et qu'un "retour à la normale" soit possible avec, éventuellement, la reprise du pouvoir par le président momentanément disparu, on comprend.
Mais, ce n'est pas ce que le peuple descendu dans la rue qui a payé généreusement de son sang attend. Si c'est tout autre chose, encore une fois, peut-on sérieusement mettre en place un processus de changement politique radical tout en en confiant la charge aux hommes du régime dont les tunisiens ont éloquemment montré qu'ils ne veulent plus ?
Monsieur Ghannouchi a peut-être la réputation d'un homme intègre. Il est sûrement un technocrate. Mais il n'en a pas moins été à la tête du gouvernement au cours d'une bonne douzaine d'années. sans parler de sa carrière antérieure de ministre. Monsieur Mbazzaâ qui aura réussi le miracle de survivre à deux régimes successifs et semble, du moins pour l'instant, en passe de survivre au troisième n'est rien d'autre qu'un fantôme. Quant à monsieur Kallal. Plus qu'un simple vestige ou un instrument technique, il demeure l'un des personnages symboles de la face la plus sombre du régime de monsieur Ben Ali. Que peut-on attendre, dès lors, de tout ce beau monde ?
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