Le "nouveau" gouvernement Ghannouchi n'a pas bouclé ses premières 24 heures qu'il a déjà commis (ou laissé commettre ?) un premier impair grave lourd de conséquences.
Comment a-t-on pu permettre aux forces de sécurité d'user de la violence avec les irréductibles du siège de la Kasbah et, surtout, qui l'a permis ?
De deux choses l'une, ou bien cela s'est fait sur une décision du gouvernement même, qu'il s'agisse de son chef même ou de certains de ses ministres, et cela enlève déjà toute crédibilité à ce gouvernement supposé devoir préparer la "transition démocratique", soit que la décision a été prise par quelque(s) cadre(s) du ministère de l'intérieur à l'insu du ministre et du premier ministre ou, en tout cas, sans en référer à eux, et, si c'est le cas, il faut identifier les fautifs et sévir rapidement. Dans un cas comme dans l'autre, il y va de la confiance qu'on peut ou ne peut pas accorder à ce gouvernement à la fois pour sa détermination et sa capacité à paver la voie à l'édification d'une démocratie véritable.
Il ne s'agit pas de donner raison à ceux qui veulent à tout prix la tête de M. Ghannouchi. Mon point de vue personnel sur la question était déjà suffisamment clair dans mon précédent article. L'acceptation de ce gouvernement débarrassé des figures marquantes du RCD est, en effet, à mon humble avis, le seul choix viable, non pas parce que les raisons invoquées pour vouloir évincer Ghannouchi ne sont pas valides. Bien au contraire, elles découlent de la même logique qui rendait le départ des ministres démis ou démissionnaires nécessaire. Mais, tout simplement, parce que poussée jusqu'au bout, la logique en question créerait une situation ingérable. D'abord, parce qu'à ce moment là, il faudrait aussi chasser le chef de l'état par intérim, issu lui aussi de "l'ancien régime" et, au moins, aussi impliqué dans sa gestion et ses politiques sinon plus (d'ailleurs, dans la foulée, il faudrait aussi, dès maintenant limoger en masse tous les hauts responsables et une bonne partie des cadres moyens de l'ensemble des institutions de l'état, ce qui est, certes, une entreprise nécessaire, mais qui ne saurait être accomplie du jour au lendemain...). Et, là, se poserait une série de questions aussi cruciales et épineuses les unes que les autres. Qui devra assumer ces deux postes de chef de l'état (provisoire) et de chef du gouvernement ? Qui sera habilité à les choisir ? Dans quel cadre et sur la base de quel(s) textes(s) ? A moins qu'on ne veuille laisser l'armée se charger de tout cela. Mais est-ce le but recherché et, surtout, la transition en sera-t-elle plus démocratique, plus crédible ou plus assurée...?
Il ne s'agit, donc, pas, disais-je, de donner raison aux réfractaires. Mais, faut-il être d'accord avec eux pour ne pas les matraquer et les gazer ?! N'est-il pas leur droit le plus absolu d'avoir une vision des choses différente de celle du gouvernement en place, voire même de la grande majorité du peuple, et de l'exprimer librement ? Ce droit même n'est-il pas le plus élémentaire des droits qu'on veut instaurer dans la nouvelle démocratie qui en est encore au stade des promesses ? D'ailleurs, s'ils sont si minoritaires, ils finiront par se lasser et rentrer chez-eux. S'ils ne sont pas si minoritaires que ça, alors rien ne peut se faire sans eux et encore moins contre leur gré ; l'épreuve de force des jours passés en a fourni l'éclatante preuve, y compris aux plus sceptiques. Au fait, combien de fois le même traitement sera réservé à d'autres "récalcitrants" à l'avenir ? Quels seuils fatidiques quantitatif ou numérique (du nombre des réfractaires au "consensus") et qualitatif (de la nature de leurs opinions) que les tunisiens doivent faire attention à ne pas franchir s'il ne veulent pas être en butte à l'ire des forces du désordre ?
Autant de questions qui appellent des réponses urgentes et sans équivoques si l'on veut que nous gardions un tant soit peu de crédulité sans y être contraints par la force des armes.
No comments:
Post a Comment