Précision

Ce que que vous lisez ici, ce sont mes impressions, parfois à chaud, basées sur ma connaissance de l'histoire du pays, de sa situation présente et sur ma culture générale, toutes étant forcément limitées et, en tout cas, relatives. Ces réflexions n'engagent que ma personne, ne représentent aucun parti ou groupe organisé et ne se rapportent à aucun projet politique établi. Ce sont les simples réflexions d'un citoyen intéressé au devenir de son pays et concerné par le sort de son peuple qui voudrait apporter quelque chose à l'un et à l'autre, mais qui n'a rien d'autre à offrir à part ces cogitations.

Saturday, January 22, 2011

Parti ?

La revendication prédominante dans toutes les manifestations qui revient dans tous les discours et tous les manifestes, déjà présente en bonne place pendant le soulèvement qui a provoqué la chute de Ben Ali et qui est devenue pratiquement la seule revendication claire et unanime depuis cette chute, c'est la dissolution du RCD. D'aucuns parmi les observateurs non avertis s'étonnent quand ils ne sont pas carrément indignés face à sa radicalité et à sa virulence. Il n'est pas jusqu'à certains protagonistes indépendants du régime déchu impliqués de près dans la vie publique tunisienne qui la désapprouvent vivement cachant à peine leur indignation. Pourquoi un tel acharnement et une telle véhémence ? Faut-il y voir la marque d'une irrationalité et d'un aveuglement exceptionnels de la part d'un peuple sans aucune culture politique ?
Pour répondre et pour comprendre ce phénomène de rejet viscéral, il suffit simplement d'essayer de voir ce qu'a été le RCD et ce qu'il est aujourd'hui. Un bref coup d'œil sur l'histoire nous apprendra que s'il a été tout au long de la période coloniale, à travers ses deux ancêtres le Destour (constitution) puis le Néo-Destour, un parti nationaliste réformiste tantôt bourgeois tantôt petit-bourgeois, dès l'indépendance et l'avènement du nouvel état, il s'est petit à petit transformé sous sa nouvelle appellation PSD (parti socialiste destourien) en un bras de l'état à qui il servait essentiellement d'appareil de propagande, d'embrigadement et de contrôle. Certes, il garda encore un temps ses fonctions de creuset doctrinaire, de cadre de formation aux fonctions politiques et de vivier qui fournissait l'essentiel des cadres de l'état. Cependant, devenu vite avec l'élimination ou l'éviction de la scène publique du parti communiste tunisien et des nationalistes arabes nassériens et/ou islamisants, parti unique au pouvoir sans partage et sans risque d'alternance, il se transforma en simple appendice de l'état par ailleurs de plus en plus cristallisé autour d'un seul homme en la personne du "Combattant Suprême". Il allait connaître son chant du cygne en tant qu'organisation politique où se forment les alliances et s'affrontent les doctrines et les factions vers la fin des années 70 peu après les émeutes sanglantes de janvier 78 avec le combat à mort entre "l'aile dure" représentée par Mohamed Sayah, "l'idéologue" fascisant du parti (qui y serait venu de l'extrême gauche !) et Abdallah Farhat d'une part et celle plus pragamatique du premier ministre d'alors, l'économiste libéral Hédi Nouira (un Ghannouchi de l'époque plus rompu à la politique mais aussi plus impliqué et donc compromis dans les choix de l'état ou en tout cas plus exposé grâce à un patron fin politicien de la trompe de Bourguiba, mais aussi à cause de cette même rouerie) d'où les deux antagonistes allaient sortir vaincus pour céder la place à un troisième larron venu tirer les marrons du feu en la personne de Mohamed Mzali. L'épisode en question marquait l'ouverture "officielle" de la course à la succession à un Bourguiba déjà vieilli et fortement diminué qui allait être tranchée et gagnée huit ans plus tard par un homme sorti de nulle part pour coiffer tout ce beau monde au poteau, Zine El Abidine Ben Ali.
A partir de cette date, allait commencer une nouvelle ère dans l'histoire tourmentée du parti rebaptisé une nouvelle fois à l'occasion pour prendre le nom qui est le sien aujourd'hui. Il est d'ailleurs remarquable que ni Ben Ali lui-même ni aucun de ses lieutenants les plus importants, à l'exception de ses deux premiers chefs de gouvernement Hédi Baccouche et Ahmed Karoui dont le premier fut évincé dans des conditions mouvementées et assez troubles, ne provenaient de l'appareil du parti. Plus significatif encore, les jeunes loups qui formèrent la nouvelle garde de Ben Ali entretinrent un temps l'idée de la création d'un nouveau "parti du président" sous la forme d'un "rassemblement" national à sensibilités multiples avant qu'on n'abandonnât l'idée aux oubliettes de l'histoire n'en retenant que le seul mot "rassemblement" qui allait prendre sa place dans la dénomination du parti. Mais, au-delà des mots, le vieux parti de Bourguiba allait vite perdre les derniers traits d'une formation politique digne de ce nom pour devenir une simple structure para-policière vide du moindre sens et dépossédée de la moindre fonction politique autre que la glorification de Ben Ali et la bénédiction de ses faits et gestes sinon celle de donner le change en faisant croire à l'existence d'un semblant de vie politique de surcroît prétendument plurielle, les temps étant désormais au pillage systématique et aux pratiques mafieuses organisées à partir du sommet de l'état. Il est d'ailleurs à noter qu'il n'y a plus eu la moindre ascension d'un cadre important à partir de l'appareil du parti vers celui de l'état. C'est bien le contraire qui se produit depuis l'arrivée de Ben Ali au pouvoir. Les individus accédaient au rubicond en prenant leur place au sein du pouvoir ou simplement dans l'entourage très profitable du président à la faveur des alliances et des cooptations d'abord puis se faisaient parachuter au parti après coup (voir les exemples de Belhassen Trabelsi et Sakhr Materi qui n'avaient rien à faire avec la politique ni de près ni de loin ni que faire d'elle, de ses discours et de ses vicissitudes, mais aussi ceux de MM. Mohamed Ghannouchi et Moncer Rouissi respectivement premier ministre et ministre au sein du "gouvernement d'union nationale", le premier occupant aujourd'hui le même fauteuil qu'il occupa à son arrivée aux avants postes du pouvoir sous Ben Ali, mais les exemples sont bien plus nombreux).
Moralité de l'histoire, d'une part, le parti en question a depuis longtemps cessé d'avoir le moindre contenu politique ou idéologique. Loin de représenter le point de vue et les intérêts objectifs d'une classe, d'un groupe social ou d'une quelconque composante de la société ni d'avoir le moindre socle idéologique, il n'aura été au cours des 20 à 30 dernières années, au mieux qu'une caisse de résonance et un outil de contrôle et de répression des gouvernants en place, au pire rien qu'un appendice desséché sans contenu et sans âme. En revanche, il a engrangé un capital immense en immeubles, équipements et bien meubles de toutes sortes comme il emploie une armada d'indicateurs et de profiteurs qui émargent aux caisses de l'état (sans parler des milliers d'innocents employés auxquels il faudra trouver une issue). Parler de "séparer le parti de l'état" ou de récupérer les biens de l'état cédés à ce parti est simplement absurde parce que le parti n'a aucune existence possible en dehors de l'état et n'a pas le moindre bien à lui. D'autre part, il est tellement imbriqué à l'état et ses structures quadrillent le pays dans le moindre recoin de ses secteurs et ses régions qu'une telle séparation est inconcevable. Sa dissolution est, dès lors, la seule issue envisageable si l'on veut sérieusement franchir un grand pas dans le démantèlement de l'ancien régime tout en réduisant les risques de retour en arrière. S'il a une quelconque assise militante et la moindre base idéologique commune, ses adeptes n'auront qu'à reconstituer leur parti comme tout autre parti qui accèderait à la légalité aujourd'hui qu'il soit ancien ou de création récente, voire instantanée, et que leur parti parte sur un même pied d'égalité avec les autres sans le moindre privilège !

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